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Entretien avec Jacques Muron

Entretien avec Jacques Muron - 17 janvier 2012 à Mane (Haute-Garonne). Son travail a fait l'objet d'une exposition au Musée Goya "le burin sorcier" présentée du 16 mars au 17 juin 2012.
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Jacques Muron
Musée Goya
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Entretien avec Jacques Muron

17 janvier 2012 à Mane (Haute Garonne)

Elève de René Izaure et Louis Louvrier, Jacques Muron (Toulouse, 1950) a été prix de Rome en gravure, en 1983. Adepte virtuose du burin, du dessin, du lavis d’encre, cet artiste installé au pied des Pyrénées trouve dans ces vastes territoires montagneux sa source d’inspiration.

Son travail a fait l’objet d’une exposition au Musée Goya "le burin sorcier" présentée du 16 mars au 17 juin 2012.

Pouvez-vous nous décrire votre parcours artistique et comment vous êtes venu à la gravure ?
Je suis entré à l’école des Beaux-arts de Toulouse en 1968, je voulais être professeur des arts plastiques. J’ai intégré le cours de René Izaure. J’ai beaucoup aimé sa manière d’aborder le dessin, c’est un artiste qui m’a énormément marqué et dont je respecte le travail. Au cours de cette formation j’ai pu découvrir une de ses expositions, c’était la première fois que je voyais un ensemble d’œuvres dédiées au Noir et Blanc ! J’ai été émerveillé, pour moi, c’était hors du champ du possible. C’est lui qui m’a conseillé de suivre les cours de gravure de Louis Louvrier, pour lequel j’air une admiration égale.
J’ai approché alors la plupart des techniques de la taille douce : eau-forte, aquatinte, pointe sèche, burin….Au départ ce fut difficile, je réalisai des dessins à la plume très précis et j’ai été confronté à un tout nouveau registre d’outils difficiles à maîtriser, à coordonner. L’apprentissage de la gravure est très délicat.

Alors pourquoi avoir choisi de vous exprimer avec le burin ?
Cette technique s’est imposée à moi comme une évidence. Dés l’instant où j’ai quitté les Beaux-arts, l’atelier, je me suis retrouvé seul, j’ai adopté le burin. Le trait de cet outil donne beaucoup d’acuité, de présence à une l’œuvre. J’aime cette simplicité de relation, le geste est directement transmis à la matrice, la planche. J’aime aussi cette sensation de maitrise, bien qu’elle soit à double tranchant et qu’on ne maitrise finalement pas grand chose ! De la même façon, j’ai voulu tirer moi-même mes estampes, j’ai cependant mis plusieurs années avant d’être à peu prés satisfait du résultat. J’ai réalisé l’impression de toutes les gravures présentées à Castres .

Justement concernant le geste celui-ci semble beaucoup plus appuyé dans vos premières gravures ?
Oui en effet avec du recul lorsque je regarde mes travaux, le trait est noir, profond, présent. Au fur et à mesure j’ai allégé, affiné, diversifié mon approche. Maintenant je peux effleurer la plaque en conservant de l’intensité et du contrôle. Du temps a passé. J’ai également pris conscience de l’importance du vide. Je pense que d’avoir côtoyé lors de mon séjour en Italie à la Villa Médicis des artistes d’expressions différentes m’a beaucoup enrichi. Particulièrement les architectes et leur appréhension des notions d’espace, de vide. J’ai appris à suspendre mon geste et essayer de ne garder que l’essentiel. Au départ en gravure on a souvent la tentation d’envahir la plaque, de saturer l’espace. Avec l’expérience on apprécie mieux la prise de risque du plein et du vide.

Vous n’avez jamais songé à utiliser la couleur dans vos gravures ?
Je l’ai fait, en particulier pour une série consacrée aux jouets, il s’agissait plutôt de gravure coloriée que de véritable travail de la couleur. C’est resté sans écho, pour l’instant.
De toute façon le travail que je réalise est coloré, car il est basé sur la recherche de valeurs et le jeu de lumière. Par exemple la gravure Chromatique (n°63, p.29), ce sont des échantillons de fils de laine rassemblés sur un nuancier ; c‘est un travail sur la couleur et le mouvement presque indépendant de son point de départ figuratif. Depuis mon retour d’Italie et mon installation au pied des Pyrénées, je me sers de mon environnement : les vieilles usines, les granges et leurs séchoirs, les structures construites. Celles-ci crée un univers, un champ d’expression, une atmosphère. Le thème des claustras est fabuleux de richesse potentielle. On est à la fois devant et derrière, en surface et en profondeur, c’est un enfermement consenti pour déployer de la puissance. Ce thème là n’est pas épuisé.

On est frappé par ce travail minutieux qui est parfois à la limite de l’abstraction ?
C’est vrai pourtant ces architectures sont « viables », réalistes. Mon père était ingénieur et je me suis toujours intéressé à la technique. Dans ces gravures, tout est logique, fidèle aux règles du bâti, de la charpente. Je réalise des dessins préparatoires où je matérialise les grandes lignes et proportions avant d’aborder le métal de la plaque, le travail à l’outil ; Ce qui me plait, c’est cette singularité de structures des architectures rurales, ces rythmes, ces claustras qui donne une liberté de lumière et d’espace.

On a parfois l’impression d’une influence japonisante dans vos gravures et c’est encore plus vrai dans vos dessins ?
Bien que je l’apprécie beaucoup, je ne me sens pas particulièrement influencé par l’Art japonais, ou l’Art chinois, Izaure l’est, peut-être, et je suis imprégné de son travail donc oui sans doute j’ai également ces visions en moi. On parle ici d’influences graphiques, c’est un langage universel, je pense.

Alors pouvez-vous nous dire qu’elles ont été vos modèles artistiques ?
Contrairement à ce que l’on peut penser ce ne sont pas uniquement des graveurs. Bien sûr, j’admire le travail de Goya, Dürer, Rembrandt. Plus prés de nous : Bresdin, Méryon. Mais je suis également très sensible au travail des étoffes et de la transparence chez Zurbarán, aux natures mortes des peintres flamands et espagnols tel Juan Sánchez Cotán, aux intérieurs d’églises de Saenredam. Tout cela me touche, mais j’essaye sans cesse d’établir mon univers, de rechercher quelque chose qui est moi.

Votre travail est très précis et délicat, c’est sans doute ce qui le caractérise le mieux, à quel moment savez-vous que votre gravure est achevée ?
En effet je mets beaucoup de temps pour réaliser une gravure, cela peut prendre plusieurs mois voire parfois une année entière. Le burin est une technique lente, le geste est délicat et le trait difficile à effacer ou modifier. Plus le travail sur la plaque prend forme plus j’ai envie d’y consacrer du temps. Ensuite les interventions se font moins déterminantes, plus réduites. C’est à ce moment que je vais suspendre mon geste. La gravure est alors aboutie, émergée. Il est très rare que je procède à un nouvel état après un premier tirage.
A une période, j’ai fait des bandes dessinées, la dispersion d’une ambiance, d’une atmosphère sur une série de dessins me posait problème. Ce que j’aime c’est installer une histoire sur un seul regard, créer un univers comme en suspension, tout est là dans un format de métal unique !

C’est en effet sans doute ce qui ressort le plus de votre travail un univers en suspension, hors du temps. Merci Jacques Muron pour ces confidences et pour le magnifique travail que vous nous offrez.

Entretien réalisé par Cécile Berthoumieu dans le cadre de l’exposition au musée Goya-musée d’Art hispanique du 16 mars au 17 juin 2012