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Fiche artiste

Gabriel Bachié

Artiste
Gabriel Bachié
Naissance
1913
Décès
1991
Nationalité
Française
Activité
Sculpteur
À propos de l’artiste

Le texte ci-dessous a été rédigé par Jean-Françoise Maurice, grand promoteur de l’art brut et fondateur de la revue "Gazogène".

« Certains, parmi les amateurs d’Art Brut, espèrent avec impatience qu’un jour ou l’autre reviennent au jour des sculptures de l’abbé Fouré, surtout celles qu’il représentait dans sa « Galerie infernale » ou d’autre plus étrange encore que les cartes postales anciennes nous donnent l’occasion de convoiter ! En attendant ces trouvailles, c’est d’un autre curé, créateur inspiré, dont nous allons parler et dont nous avons eu la chance d’exhumer quelques œuvres jusque là disparues.

L’abbé Bachié (1913-1991) était un homme affable et souriant ; ceux qui l’ont connu m’en ont tous parlé en ces termes.
Le père Lherm le décrira ainsi : « Quelle personnalité séduisante, ce Père Gabriel Bachié ! D’une séduction humaine : bonhomie, sourire plus malicieux encore que contagieux, rondeur, bonne histoires, la pipe, le béret, l’accordéon… On pourrait continuer ! Je l’ai vu très à l’aise sur le Foirail de Gramat ! » Mais cette faconde cachait un grand courage : durant la dernière Guerre, ordonné prêtre en 1939, il a parcouru tout le causse de Limogne à bicyclette, la nuit, « au service de la J.A.C » a-t-il dit plus tard ! On se doute qu’après-guerre l’abbé Bachié n’a pas eu, lui, à demander un « certificat de Résistance » ! Il était né le 2 novembre 1913 et tout son sacerdoce se déroulera dans le Lot où il finira curé à Gramat de 1973 à 1989. Il ne restera que peu de temps à la maison de retraite de Luzech et sera inhumé à Saint-Paul-de-Loubressac le 9 février 1991.

Son activité créatrice a été longtemps secrète. Il ramassait au cours de ses promenades des bouts de bois, des racines… Puis, la nuit, les retouchait légèrement, parfois les colorait discrètement… Et la magie jouait : sous nos yeux éblouis surgissaient des formes merveilleuses : le loup amadoué par saint François d’Assise mais aussi quelque monstre maléfique…
Cette œuvre brute est en effet placée sous le signe de la dualité, du Bien et du Mal, du Jour et de la Nuit, du Naturel et du Monstrueux…

Dans les quelques lignes écrites par l’Abbé Bachié, on ne peut qu’être frappé par la modestie, l’ambiguïté, voire la douleur contenue des propos… « Que ma sépulture soit gaie… », a-t-il dit ! Je ne l’ai pas connu et j’en ai regret alors je le cite : « Qu’êtes vous venus voir ? Des branches, des racines, des vielles et des tordues, des fétus que les hommes repoussent du pied ou ramassent avec des fourches, pour le feu ou pour des tas qui pourriront. Et pourtant : ces branches dont personne ne veut, ces lierres tors, ces genièvres torturés, ces racines squelettiques, lourdes, la nature les a aimés et, à sa manière drôle de fantaisiste leur a ciselé une forme, presque donné un langage… »

C’est à l’occasion de la préparation d’une exposition à Gramat, à la galerie « Sillage », en 1989-1990, exposition qui devait regrouper Gaston Mouly, Marie Espalieu, Louis de Verdal, etc. que j’avais découvert les sculptures de l’abbé Bachié. Elles étaient rassemblées dans une niche, au premier étage de cette petite galerie à l’atmosphère très « province » et étaient vendues au profit des bonnes œuvres de la paroisse à moins que ce ne soit pour le denier du culte. L’histoire de leur mise au jour était bien révélatrice : à l’occasion du départ en retraite du curé de Gramat, le presbytère avait été vidé et, dans le bureau de l’abbé, les paroissiennes chargées du ménage avaient découvert une centaine de sculptures laissées à leur discrétion.

Une première petite exposition avait alors été organisée au profit de la paroisse. Le reliquat avait ensuite été transporté dans cette petite galerie de peinture. André Roumieux avec lequel je préparais cette exposition m’accompagnait. Il avait alors acheté un sorte de cep de vigne à la forme fort étrange représentant une sorte de « loups de Gubbio », j’étais moi-même entré en possession de quelques pièces dont la revue Gazogène avait alors à plusieurs reprises rendu compte.
J’avais ensuite signalé ces curiosités à Caroline Bourbonnais dont la Fabuloserie avait à son tour acquis quelques pièces restantes. L’abbé Bachié devait disparaître à quelque temps de là et, comme il se doit en ces circonstances, les archives diocésaines avaient ensuite emporté la bibliothèque et les documents accumulés dans le presbytère.

Pour écrire un nouvel article plus documenté sur notre bon abbé, j’avais plus tard rencontré l’archiviste diocésain, l’abbé Rosière qui m’avait fort aimablement communiqué la photocopie du petit texte nécrologique publié dans La revue religieuse de Cahors et de Rocamadour comme il est fait pour chaque décès d’ecclésiastique. L’archiviste m’avait alors confié que selon les bonnes paroissiennes de Gramat qui avaient découvert cette activité nocturne de sculpteur de leur abbé, certaines avaient été choquées par quelques sculptures de femmes nues qui vraisemblablement avaient été détruites. Mais il avait ajouté que lors du transfert de la bibliothèque aux archives quelques sculptures qui avaient échappé au bûcher, avaient été retrouvées dans les rayonnages et devaient se trouver encore en quelque caisse avec les livres. L’affaire en était restée là.

Fort heureusement, m’occupant à d’autres travaux d’érudition n’ayant que de lointain rapport avec l’Art Brut, j’étais resté en relation avec l’abbé Rosière, notre archiviste diocésain. Pour tout dire, j’étais à la recherche d’un opuscule fort rare d’un érudit lotois, la chanoine Eugène Sol, concernant Les archives ombriennes, archives épiscopales de Pérouse des origines au XVe siècle (Paris, Leipzig, Rome, 1903). C’est à la fin de l’année 2011 que notre archiviste diocésain a pu m’annoncer qu’il m’avait non seulement redécouvert mon rarissime fascicule mais par la même occasion, neuf sculptures inédites de l’abbé Bachié ! Connaissant mon intérêt pour cette forme de création, il acceptait de me les céder moyennant une modeste contribution devant servir à l’achat de livres récents pour compléter la documentation des dites archives.

N’oublions pas que cette activité créatrice a longtemps été secrète même si la notice nécrologique y fait allusion : « Comment ne pas évoquer le coup d’œil, la sensibilité d’artiste du père Bachié qui fait qu’un cep de vigne, une branche desséchée, une pierre au bord de la route, après quelque coups de canif ou de pinceau devenait un oiseau sur sa branche, un danseur, un Christ à l’agonie… »

L’abbé Bachié avait certainement une personnalité complexe, secrète et mystérieuse. Il nous a laissé cet aveu intime dans une « confession » écrite en 1981 : « Je me suis situé comme j’ai pu. Je regrette de n’avoir pas donné à fond, toute ma vie, toute ma personne, corps et âme. J’espère que si le Seigneur a été surprenant pour me choisir, il sera assez miséricordieux pour me pardonner… et je vous assure que j’en ai bien besoin… et ça, on peut le dire ! »

Parmi les œuvres retrouvées et sur lesquelles Jean-Michel Chesné a réalisé une petit présentation sur son blog, on peut admirer des animaux parfois familiers : un dindon, un oiseau mais également plus inquiétants : une sorte de crocodile, un quadrupède qui semble l’ombre déformée de la bête de Gévaudan… On remarque aussi une saynète mystérieuse où un curé filiforme est accompagné d’une créature assez répugnante, un diable cornu montrant les crocs… Enfin, un ecclésiastique mitré, grotesque évêque, semblant tout droit sorti d’une caricature anticléricale ! A croire que notre bon abbé était plus à l’aise sur les champs de foire de Gramat qu’avec sa hiérarchie à moins qu’il n’exorcise là je ne sais quel double maléfique.

On en conviendra sans peine, l’œuvre de l’abbé Bachié est bien loin de l’idéal saint-sulpicien et mérite de figurer dans notre galerie des « turbulentes soutanes » initiée dans le premier numéro de Création Franche et poursuivie avec d’autres « inspirés en soutane » !

Sélection d’œuvres
Aux Abois

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Gabriel Bachié
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Bécassine

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Chien

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