Jane Atché
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D’une famille originaire de Rabastens, Jeanne Atché naît 34 rue Saint-Rome à Toulouse le 16 août 1872. Son père Guillaume est capitaine d’infanterie. Peu après la famille s’installe 19 rue Raymond IV où naît sa sœur Louise le 11 novembre 1878. Nous ne savons encore rien sur la formation toulousaine de Jeanne, mais elle est à Paris au début des années 1890, 118 rue du Faubourg-Poissonnière, et anglicise son prénom en Jane.
C’est sans doute à l’académie Julian, ouverte aux femmes, qu’elle suit les cours des maîtres toulousains Jean-Paul Laurens et Benjamin-Constant, et du portraitiste Marcel Baschet. Au Salon de 1895 elle présente un pastel : "Jeune fille aux violettes".
En novembre 1896, elle a 24 ans, elle expose au Cirque de Reims son affiche pour le papier à cigarette JOB qui va la rendre célèbre. A cette "Exposition d’Affiches Artistiques Françaises et Étrangères" participent aussi Mucha, Toulouse-Lautrec et Firmin Bouisset. Jane se rapproche de Mucha et adopte un style résolument Art nouveau.
Décrite comme Jeune femme blonde en robe vert pâle, manteau de velours noir, contemplant la fumée de la cigarette qu’elle tient dans la main droite, cette affiche suit celle de Firmin Bouisset de 1895 et précède les deux affiches de Mucha de 1897 et 1898. Le projet de Toulouse-Lautrec ne sera pas retenu… Des 30 affiches ou calendriers réalisés par 20 artistes de 1895 à 1914 pour JOB et édités aussi en cartes postales, celle de Jane Atché est de loin la plus forte et la plus "virile" alors qu’elle est la seule femme ! Son graphisme épuré évoque tout à la fois Toulouse-Lautrec et les estampes japonaises très en vogue à l’époque.
Ce succès conduit Jane, qui s’est installée 34 rue Pigalle, à réaliser gravures et lithographies qu’elle va présenter régulièrement aux Salons de 1897 à 1911 à coté de quelques portraits peints.
"Méditation", présenté au Salon de 1897, est un médaillon lithographié en noir et blanc qui aura comme pendant "Rêverie", ils seront tous deux édités en couleur l’année suivante. Là encore ces médaillons sont très proches des Têtes byzantines, la Blonde et la Brune, que Mucha compose cette même année 1897. Comme lui, elle travaille sur des panneaux décoratifs : "le Gui" et "le Houx" (1899), "la femme aux pavots" (1899) ou "La Cigarette et l’Éventail" publié dans l’Album de la décoration (Salon de 1903).
Alors que Mucha dessine des menus pour Moët et Chandon (1899), Jane dessine des menus pour Le vin Désiles ou le Café de Paris, avenue de l’Opéra… et quand Jane travaille sur une affiche pour le chocolat Vincent d’Avignon, Mucha travaille pour le chocolat Masson – chocolat mexicain ! Témoin de ce lien privilégié, Jane gardera toute sa vie à Rabastens un dessin sur calque de Mucha, "l’Age mur", l’une des quatre illustrations pour les "Ages de la vie" réalisées pour le chocolat Masson en 1897.
Jane Atché dessine aussi pour l’édition : une couverture pour la revue allemande Jugend, l’illustration de partitions musicales pour Durand et Fils, place de la Madeleine. En 1900 elle fait une belle affiche pour une vente de charité au profit de l’Œuvre des Campagnes.
Mais peu à peu elle s’éloigne de l’Art nouveau pour se rapprocher du mouvement Symboliste. Des œuvres graves, sur des thèmes religieux, laissent penser que Jane traverse des moments difficiles. Claudine Dhotel-Velliet, s’appuyant sur des lettres de sa sœur Louise, évoque la fin d’une liaison avec Alphonse Mucha…(2). "Stabat" Mater" au Salon de 1898, puis en 1900 un Christ au jardin des Oliviers "Fiat voluntas tua" (dessin 1899) et "L’Abbesse", une lithographie qu’elle dédicace à son maître Firmin Bouisset. Originaire de Moissac, Bouisset est aussi un ami de Mucha : le musée de Moissac possède le portrait de Mucha par Bouisset et le portrait de Bouisset par Mucha.
"Fiat voluntas tua" est repris en lithographie et au Salon de 1902 elle obtient une Mention Honorable. En 1902 et 1903 elle présente plusieurs panneaux décoratifs, puis en 1904 une lithographie "Parfums du soir" au symbolisme affirmé. Pour son ami Alcanter de Brahm, poète et écrivain, membre de la Société Archéologique du Midi et conservateur au musée Carnavalet, elle dessine le menu du dîner du 20 avril 1904 de la Société des Poètes français. Jane habite alors avec son père rue Perronet à Neuilly puis 19 place des Vosges.
Parallèlement Jane Atché travaille pour l’édition. Elle collabore, de 1901 à 1905, à la revue mensuelle La Poupée Modèle, journal des petites filles. Elle y illustre de nombreux contes et nouvelles pour enfants, ses dessins sont édités en cartes postales données en supplément à la revue. Elle illustre aussi Les trois désirs de Fleurette de Jan Rosmer, qui servira de prix scolaire pour la Ville de Paris.
Le 28 décembre 1905, Jane épouse Raymond Leroux, elle a 33 ans et lui 28. Sa sœur Louise, élève de Melle Delaroche et qui avait aussi exposé des miniatures aux Salons des années 1900 à 1904, était morte en avril 1905 après quelques mois de mariage. A peine un an plus tard elle perd son père en janvier 1907. Ces événements tragiques et sa situation de femme mariée sonnent le glas de sa vie professionnelle, elle ne participe pas aux Salons des années 1905, 1906 et 1907.
Quand elle expose à nouveau au Salon de 1908, sous le nom d’Atché-Leroux, l’Art nouveau ne fait plus recette et l’académisme a retrouvé sa place. La modernité est maintenant avec les Fauves ou les Cubistes. Jane présente un magnifique autoportrait "Sur l’aile des songes" : dans la pénombre d’une bibliothèque, elle est assise l’air absente, une cigarette à la main. On y retrouve l’enseignement de ses maîtres toulousains et de Firmin Bouisset. Cela se confirme au Salon de 1909 où elle expose, en tant que Membre de la Société des Artistes Français, une lithographie "Leila", d’après le tableau de Carolus-Duran du musée du Luxembourg. Cette même année 1909, Jane a retrouvé le goût de la peinture et du grand portrait conventionnel, elle montre un autoportrait et le portrait de Mme A.J. au salon de l’Union des Femmes Peintres et Sculpteurs.
Comme Mucha et Bouisset, Jane dessine beaucoup de jeunes femmes et d’enfants. Elle va utiliser ses carnets de croquis pour une remarquable série de 12 cartes postales sur le thème des jeux d’enfants et signées JAL. Elle revient à l’édition en 1912 en illustrant La Conspiration de Quillebœuf, un roman historique de Jean Drault. Ses dernières œuvres connues sont des portraits d’amies et une maternité, dessinés à la sanguine (1910 à 1912). Faut-il y voir un regret de maternité ? Jane n’aura jamais d’enfant…
Son mari, Raymond Leroux est mobilisé en 1914 et meurt dans la Marne de 15 juillet 1918. Après la guerre Jane retrouve un vieil ami, veuf comme elle et qui avait été témoin à son mariage en 1905, Arsène Bonnaire. Ils se marient à la mairie du IVe arrondissement le 20 avril 1920.
Après 1923, Jane et Arsène Bonnaire se retirent à Rabastens, d’où est originaire la famille Atché et où ils louent la villa Les Cèdres. En 1937 Jane, malade, va se faire soigner à Paris où elle meurt le 6 février. Elle sera enterrée au cimetière de Vaucresson dans le caveau Bonnaire, où reposaient déjà Joséphine Bonnaire, la première épouse d’Arsène et leur fille Suzanne.
La carrière artistique de Jane Atché est brève, de 1895 à 1912, mais fulgurante. Toulousaine d’origine, elle apparaît d’emblée comme une femme artiste exceptionnelle, indépendante, libre et moderne, pleinement de son temps. Son affiche pour JOB l’illustre à merveille. C’est aussi une femme qui peint ou dessine des femmes, s’inscrivant dans les mouvements Symboliste et Art nouveau.
Un siècle après, voici Jane ressuscitée à Rabastens. Elle va enfin trouver toute sa place parmi les artistes de la brillante École toulousaine.
Guy AHLSELL DE TOULZA