Joseph, le nègre
Chronologie
Technique
Dimensions
Numéro d’inventaire
Qui est Joseph ?
Né à Saint-Domingue vers 1793, Joseph est l’un des plus célèbres modèles du XIXe siècle. Nous savons qu’il arrive à Marseille avant de gagner Paris. En 1808, il est engagé comme acteur par Madame Saqui, directrice d’une troupe célèbre. Le peintre Théodore Géricault (1791-1824) le fait poser pour le Radeau de la Méduse : vu de dos, dominant les autres naufragés, il agite un morceau de tissu en direction d’un lointain navire. En 1832, Joseph devient modèle à l’École des Beaux-Arts de Paris, posant notamment pour Théodore Chassériau (1819-1856). Il gagne très modestement sa vie, fréquentant les ateliers d’artistes. Il décède sans doute à la fin des années 1860 ou au début des années 1870.
Le modèle noir ou redonner un nom à un visage
Depuis plusieurs années, sous l’influence des universités américaines, les chercheurs se penchent sur des problématiques esthétiques, politiques, sociales et raciales et sur l’imaginaire que révèle la représentation des figures noires de la 1re abolition de l’esclavage en France (1794) à nos jours. L’exposition Le Modèle noir, de Géricault à Matisse (2018) présente ces recherches. Elle s’intéresse au dialogue entre l’artiste et le modèle qui est à la fois sujet regardé et porteur de valeurs. Interrogeant l’anonymat du modèle et l’identité noire, elle a été l’occasion de redonner un nom à des modèles qui ont marqué l’art des XIXe et XXe siècles.
Le titre de l’œuvre
En 1865, Adolphe Brune présente au Salon Joseph, le Nègre, titre original. Souriant et portant une coupe à ses lèvres, il est au centre de la composition. Le contenu du panier et le tissu apportent une touche exotique. Le titre désigne le modèle et interroge : est-ce un hommage du peintre à cet homme, décrit par ses contemporains comme beau, fort, affable, charmant et jovial ou un prétexte pour afficher son savoir-faire ? Nous retrouvons ici les stéréotypes de la bonhomie noire. Pourtant, cette œuvre n’est pas juste la représentation d’un homme noir d’âge mûr. Brune signe ici un portrait très expressif où Joseph n’est pas simplement son modèle, il est son sujet.
Le titre de l’œuvre est l’héritage d’une histoire que nous ne pouvons effacer. Le terme “nègre” est le reflet de marqueurs raciaux datés qui ne disent rien de l’identité du modèle. Outrageant et offensant, il est intolérable. En le conservant, nous refusons d’abuser nos visiteurs, nous refusons d’oublier que, pendant des siècles, la norme était raciste. Garder la mémoire de ce souvenir douloureux, ne pas faire semblant que cela n’a jamais existé relève de notre responsabilité à tous. C’est en faisant face à ce “passé qui ne passe pas” que nous pouvons aujourd’hui regarder Joseph comme un homme dans toute sa dignité avant tout. Ce tableau a été présenté au Mémorial ACTe à Pointe-à-Pitre, en 2019, lors de l’exposition Le Modèle noir, de Géricault à Matisse.