La comtesse Adèle de Toulouse-Lautrec dans le salon du Château de Malromé
Artiste
Henri de Toulouse-Lautrec
Chronologie
Technique
Dimensions
Statut administratif
Numéro d’inventaire
Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec – Monfa est le fils du comte Alphonse Charles Jean-Marie et de sa cousine germaine, la comtesse Adèle, née Tapie de Céleyran, héritière d’une lignée fortunée de propriétaires terriens. Après la mort en bas âge de leur second fils, Richard, le comte et la comtesse se séparent de fait et Henri est élevé par sa mère. Tous les témoignages convergent pour dire combien Lautrec l’idolâtrait, et elle lui sert souvent de modèle. Les fusains ou les huiles la représentant lui donnent un air recueilli, le regard échappant systématiquement au spectateur.
Ce portrait est peint en 1886 ou 1887, alors que Lautrec est sorti de l’atelier Cormon et témoigne des mouvements artistiques auxquels il s’est frotté pendant ces années de formation : si l’on peut en effet évoquer l’influence de Manet à travers des oeuvres comme « La Prune » (vers 1877) ou « Madame Manet dans la serre » (1879), les coups de pinceau fragmentant la couleur par touches juxtaposées, les teintes très vives, bleu-violet, groseille, cernes jaunes, évoquent plutôt l’observation de Seurat. Ce dernier a présenté « Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte » lors de la VlIIème et dernière exposition du groupe impressionniste ; cette toile marque profondément Lautrec et ses amis, Louis Anquetin et Emile Bernard, qui adoptent immédiatement les principes divisionnistes qui correspondent à leur volonté de rationaliser leur pratique. Toulouse-Lautrec applique également cette définition picturale dans deux oeuvres au moins, « Poudre de Riz » (1887) (1) et ce portrait, puis abandonnera rapidement une théorie qui ne répond pas à sa recherche plastique.
Pour évoquer sa mère, Lautrec l’installe dans le décor très aimé du salon de Malromé, propriété qu’elle a acquise en 1883, près de Bordeaux, et créé une atmosphère intimiste en peignant précisément le mobilier qui l’entoure. Le point de vue, axé sur la diagonale, s’ouvre sur la fenêtre qui éclaire le salon, l’effet de lumière étant renforcé par son reflet dans une glace.
Les yeux baissés vers l’ouvrage qu’elle lit, la comtesse apparaît, avec sa robe stricte, presque sévère, pour le moins résignée voire mélancolique. La mise en scène concourt à renforcer l’analyse psychologique qui sous-tend l’oeuvre : la comtesse devient ainsi l’image d’une femme pieuse, du meilleur monde, cultivée, chacun des éléments du tableau constituant des clefs de lecture significativement choisies.
© Danièle DEVYNCK, Conservateur en Chef du Musée Toulouse-Lautrec
(1) huile sur toile, 1887 , Dortu P 348, Rijksmuseum Vincent Van Gogh, Amsterdam