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Fiche Œuvre

Le dénombrement de Bethléem

Le dénombrement de Bethléem © Tous droits réservés
Artiste

Edmée Larnaudie

(08/02/1911 Saint-Pierre-Toirac - 07/11/2002 Saint-Pierre-Toirac)
L’artiste
Chronologie
1937
Technique
Huile sur toile
Dimensions
49 x 60 cm
Numéro d’inventaire
2010.1.3
Collection
Collection Edmée Larnaudie
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En 1937, Edmée Larnaudie participe au Concours Roux (Institut de France) sur le thème imposé de la « Veille de Noël sur la route de Bethléem ». Avec son Dénombrement de Bethléem, elle obtient le premier prix. L’étude a été achetée par le Musée de Cahors en 2010, l’œuvre finale a été acquise par l’Etat dès 1939 et déposée au musée de Cambrai avant de rejoindre l’année dernière les collections cadurciennes.

Edmée Larnaudie s’est inspirée d’une œuvre de Pieter Breughel l’Ancien (1527/28-1569). Selon l’Evangile de saint Luc, l’empereur Auguste aurait ordonné un recensement ; chaque chef de famille devait retourner dans son village d’origine. Joseph, « parce qu’il était de la famille et de la descendance de David », se rendit donc à Bethléem où Marie accoucha de Jésus. Breughel transpose la scène dans un village flamand, couvert de neige, éclairé par le soleil couchant. L’animation quotidienne de la vie villageoise fait presque passer inaperçue l’arrivée du couple mais le réalisme des situations contemporaines participe à l’humanisation de l’incarnation du Fils de Dieu.

Edmée Larnaudie reprend le procédé de la transposition dans un paysage occidental, ici Cahors lové dans une des boucles du Lot. L’artiste se défend d’être un « peintre-touriste, [qui] en passant, emporte de notre ville le pont, l’arabesque de ses tours et de ses églises et la laisse incomprise et toujours gardienne de son charme étrange » (Edmée Larnaudie). Elle épure la trame pittoresque de l’architecture pour mieux transcrire le mystère de cette « tête du pays, sauvage et riche comme une Tolède » (Edmée Larnaudie) ou comme une cité drapière flamande. La neige et certains détails vestimentaires donnent une impression d’intemporalité alors que quelques indices de modernité sont bien visibles, tels que le pont métallique en haut à droite ou la croix de mission qui se dresse au milieu des arbres qui bordent les quais. Au contraire de Breughel, Larnaudie ne recherche pas le pittoresque ou la virtuosité dans le rendu des détails mais une atmosphère générale, crépusculaire, peut-être prémonitoire des tragédies à venir. Breughel exerçait son art à une époque troublée par les guerres de religion, l’œuvre de Larnaudie préfigure les exils, les exodes et les recensements mortifères qui se multiplient à partir de la fin des années 1930. Le cadrage très serré renforce le sentiment d’inéluctabilité qu’André Suarès avait ressenti à l’écoute des Pas sur la neige de Claude Debussy, « la nostalgie de la lumière absente et de la chaude caresse : cette solitude, infinie, en un mot, qui est celle de notre âme, cheminant penchée sur elle-même et dont tous les déserts et tous les hivers de la terre n’approchent jamais ».

Le premier plan est occupé par le flot des hommes et des bêtes qui se dirigent vers le centre de la ville où les officiers ont posé leur table. Sur l’œuvre finale, les visages sont plus travaillés mais Larnaudie n’a pas recherché la joliesse. Les traits sont communs, non individualisés, ce sont des trognes campagnardes. Les personnages sont « comme les grains d’un vivant chapelet qui ne cesse de s’égrener à travers les temps pour toutes nos misères » (Edmée Larnaudie). Le groupe est emmené par de courtois cavaliers dont coiffes et capes les font tout droit sortir d’une enluminure des frères de Limbourg pour le duc de Berry, au début du XVe siècle. Puis vient un couple chevauchant deux destriers dont la robe blanche fait ressortir l’éclat rose et rouge du harnachement et des tapis de selle. Les bergers sont à pieds, guidant leur troupeau. Les suit une charrette aux roues roses conduite par un homme accompagnée de sa femme, bien emmitouflée, les jambes protégées par une couverture à carreaux, et par leur enfant, petite tache rouge et blanche, trait d’union entre le père et la mère. Ils doublent et modernisent la représentation classique de la Sainte Famille, reconnaissable dans leur sillage : Joseph, vêtu de noir, tirant derrière lui un bœuf et l’âne qui sert de monture à Marie, drapée de bleu. D’autres hommes et femmes, cheminant courbés, dérisoire attitude pour se protéger contre le froid, ferment la marche. D’autres encore convergent vers le centre du dénombrement ; ils viennent de l’est par le Pont Neuf de Cabessut, de l’ouest par le Pont Valentré ou du nord par le boulevard qui est depuis le XIXe siècle l’artère majeure de la cité. Au loin, l’horizon est presque fermé par les collines ; le ciel est d’un jaune blafard.
La courbe que dessine la file humaine, de la route au premier plan jusqu’à la place centrale, répond aux méandres du Lot, long serpent d’un vert émeraude lumineux. Trois bateaux sont amarrés, deux autres glissent lentement vers l’aval. La procession s’allonge sur le pont, non pas l’antique pont dit Pont Vieux ou Pont romain, disparut au début du XIXe siècle, mais le Pont Louis-Philippe dont on reconnaît l’octroi. D’autres monuments de la ville médiévale, blottie autour de la cathédrale Saint-Etienne dont les coupoles sont visibles, sont représentés : l’église Saint-Urcisse, la Tour du Roi, la Tour du Pape, l’église Saint-Barthelémy. Toute la partie gauche porte peu de trace de constructions. Plus loin, se dressent, sentinelles et spectatrices, les trois tours du Pont Valentré.
Sabine Maggiani

Cette oeuvre est actuellement présentée dans le cadre de l’exposition Collections automne-hiver 2013-2014 dans la salle consacrée aux artistes lotois réfugiés dans le Lot au début des années 1940.

À découvrir ici

Musée Henri-Martin

Cahors | 46
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