Nos musées en ligne
L’association
Occitanie Musées est l'Association des Conservateurs et Personnels Scientifiques des Musées d’Occitanie. Elle regroupe les personnels scientifiques des Musées de France et des établissements à but culturel et patrimonial de la région Occitanie. Elle fédère plus d’une centaine de professionnels dans tous les domaines d'activités des musées (direction, conservation, médiation, documentation, régie...). L'Association est une section régionale de l’AGCCPF, Association nationale des conservateurs et des professionnels des musées et des patrimoines publics de France.
Accès adhérent Administration des musées
Fiche Œuvre

Lit dit de Henri IV

Lit dit de Henri IV © Tous droits réservés
Artiste

Anonyme

Chronologie
fin XVIe - début XVIIe siècle
Technique
Broderie
Dimensions
220 x 200 x 345
Statut administratif
Musée de France
Numéro d’inventaire
991-1-1
Collection
Arts décoratifs
Voir la collection
En savoir plus

Eléments sur l’histoire du lit dit de Henri IV

Le lit se trouvait à l’origine dans le château de Pailhès. Les Villemur-Pailhès, seigneurs du lieu, furent des proches des souverains de Navarre. Jacques de Villemur-Pailhès fut nommé lieutenant du comté de Foix puis gouverneur en 1566 par Jeanne III d’Albret. De confession catholique, il resta néanmoins fidèle à la reine de Navarre et à son fils, le futur Henri IV. Cette amitié est prouvée par les lettres qu’Henri de Navarre envoya au seigneur de Pailhès dont il se disait « vostre bon et afectioné amy ».
Lettres inédites de Henry IV à M. de Pailhès p. 16

En 1583, Jacques de Villemur décéda et son fils Blaise hérita des biens et du titre de gouverneur du pays de Foix avant d’être destitué de cette charge au profit de Jean Claude de Lévis d’Audou.
Henri III de Navarre effectua de nombreux séjours dans son comté de Foix : à Mazères, Pamiers et Foix en 1565, dans les mêmes villes de 1578 à 1579, à Montaut, Varilhes et Pamiers en 1584. C’est à l’occasion d’un de ces séjours, en 1579, que Henri III de Navarre aurait séjourné au château de Pailhès et dormit dans le fameux lit. Le meuble, richement décoré et de facture royale, resta dans le château et la même pièce pendant près de quatre siècles. En 1965, le lit fut classé Monument Historique.

Les recherches historiques et artistiques dans le cadre de la restauration du lit dit d’Henri IV

Quelques extraits de l’ensemble des recherches menées depuis son acquisition en relation avec les travaux de restauration

Après son achat par le Conseil Général en 1991, le lit fut présenté au public au Château de Foix. .La restauration fut entreprise en 1994 par l’atelier Bedat pour les textiles et l’entreprise Ferignac pour les bois permettant d’enrichir les éléments techniques et historique sur ce mobilier.
L’ossature des montants non sculptés, appelés quenouilles, est surmontée d’un dais façonné dans des bois peu tanniques comme le hêtre, le frêne voire le peuplier. L’ensemble témoigne d’une grande maîtrise de l’ébénisterie, tant dans le façonnage à la gouge de ces quenouilles, que dans l’assemblage des bois du dais recouvert d’un tissus
A l’intérieur du lit, la courtepointe, le dosseret, le fond de lit et le ciel de lit sont en satin blanc matelassé de vagues. Des broderies en application de passementerie ainsi que des applications de velours cramoisi constituent un décor somptueux et chatoyant déployé autour de vases de fleur peints à l’aiguille.
A l’extérieur les pentes hautes et basses cachant le dais et le tour du lit, ainsi que les rideaux sont brodés au point de Hongrie, associé à des bandes du même velours de soie.

Démonté, désinfecté en autoclave, ce lit ne présentait pas de traces de moisissures, seuls, les insectes peu friands de la soie, n’avaient pas hésité à la traverser pour se nourrir de la laine du matelassage ou de celle des broderies des rideaux.
En l’absence d’autres informations, le décor et les techniques permettent de déterminer l’époque de création : fin Xvi e début XVII e siècle
La broderie au point de Hongrie existait au XVIe siècle. On utilisait souvent ce procédé pour les garnitures de lit et tentures grâce à son aspect couvrant et la rapidité d’exécution.

Cette broderie non réversible en ondes, présente ici un motif de flamme pour la gamme des fils de laine vert moyen, vert très foncé, vert sapin tandis qu’un motif de chevrons est utilisé pour les fils de soie jaune, écru, vert très clair, vert moyen clair vert moyen foncé et noir accrochant ainsi la lumière de façon subtile.
Ces rideaux ont été raboutés sous les pentes hautes pour arriver à la bonne longueur au niveau des pentes basses du lit.
Les broderies de l’intérieur du lit sont en application de passementerie et de motifs de velours constituant le décor géométrique..

De par les matières employées, les couleurs et les décors, les protections associés, ce lit royal semble avoir été fabriqué dans un atelier d’artisans au grand savoir faire tel qu’il en existait à Toulouse à cette époque.

La broderie d’applique de velours est maintenue par couture et liserée d’une ganse –gros fil formé d’une âme entourée d’un fil de soie perpendiculaire- ou par un cordonnet –gros fil constitué de plusieurs fils retors.

Dans les motifs floraux du fond et du dosseret on reconnaît, outre la tulipe, la narcisse, l’œillet et la rose brodés au fil de soie au passé empiétant. Cette technique appelée aussi peinture à l’aiguille permet de jouer sur l’interpénétration des couleurs et de suivre les courbes du dessin.
Une mention particulière pour la tulipe originaire d’Asie centrale et qui à l’état sauvage pousse aussi en Anatolie et à Chypre ; cultivée dans les jardins du sultan Soliman le Magnifique, elle furt dérobée et devint un emblème royal et un objet de spéculation avec crash boursier vers1634
La fidèle représentation des fleurs rappelle l’intérêt de cette époque pour la nature et l’étude des plantes venues du Nouveau Monde qui ouvrit la voie à une description et un classement plus scientifique de la botanique

L’ensemble des vagues brodées de motifs évoquent un parterre floral à la française, fait pour la promenade de l’œil, aux conceptions curvilignes comme ceux que réalisa Claude Mollet à la fin de la Renaissance pour les parterres du château de Fontainebleau.

© Anne Marie ALBERTIN
Conservatrice du Musée Départemental de l’Ariège

À découvrir ici