Olifant dit « le cor de Roland »
Artiste
Anonyme
Chronologie
Technique
Dimensions
Statut administratif
Numéro d’inventaire
Les dix-sept scènes sculptées sur cinq niveaux -le dernier tronqué à moitié-, séparées par des palmiers ou des colonnes, les quatre bandeaux aux décors de pommes de pins, les trois autres ainsi que le bord supérieur aux décors géométriques ont été décrits avec plus ou moins d’exactitude et de précision. On a souligné la réunion d’éléments empruntés à l’Orient et à l’Antiquité classique mais sans trop se souvenir que c’est à ces sources que s’abreuve le symbolisme roman. On en rencontrera ici divers exemples : un sphinx et un griffon affrontés, introduisant le mystère ; deux oiseaux buvant dans une coupe ; les deux arbres évocateurs du Paradis ; un lion et une licorne gardant l’arbre de vie porteur de pommes de pins, signes d’immortalité ; un phénix, également image d’immortalité ; une gazelle attaquée par un aigle, un lion, un griffon etc., scènes de chasse traditionnelles mais pouvant figurer l’âme poursuivie par le péché ; un homme portant un animal sur ses épaules, kriophoros grec, prototype du «bon pasteur de l’iconographie chrétienne… En revanche, d’autres éléments semblent dépourvus de signification ou présenter des confusions : comme si le sculpteur avait à sa disposition un répertoire de modèles décoratifs qu’il aurait agrémentés ou augmentés à sa fantaisie, jusqu’à ajouter l’anecdote plaisante du chamelier… mais finalement comme l’eut fait aussi un sculpteur de chapiteau. Les olifants étant des instruments d’usage privé et profane, utilisés à la chasse, à la guerre, pour sonner mais également pour boire, la liberté de l’artiste était d’autant plus grande.
Certains éléments iconographiques et le style des sculptures permettent de désigner l’Italie du sud où œuvraient au XIe siècle des artisans réputés dans un milieu remarquablement cosmopolite, et c’est à Salerne, une ville sous autorité normande, que l’on s’accorde aujourd’hui, après Hanns Swarzenski, à situer la réalisation du fameux «cornet» de Toulouse ainsi que de quelques autres avec lesquels il présente d’évidentes analogies, celui de la Chartreuse de Portes (Paris. B.N.) et celui du musée des Beaux-Arts de Boston étant les plus célèbres.
En 1078, Raimond Berenger II, comte de Barcelone, avait épousé la fille de Robert Guiscard, duc de Pouille, de Calabre et bientôt de Sicile. Moins de deux ans plus tard, ses demi-frères Guilhèm IV, comte de Toulouse, et Raimond de Saint-Gilles réaliseront à leur tour de brillantes alliances normandes en épousant respectivement Emma de Mortain et Mathilde, fille de Roger Guiscard, frère du précédent…
Selon la coutume, confirmée par le chroniqueur Jaufre Malaterra, Roger Guiscard avait accompagné son accord à la sollicitation du comte de Saint-Gilles de l’envoi de présents. Le mariage avait eu lieu en Sicile et le couple put accomplir le voyage de retour sur un navire spécialement construit à cet effet et chargé également d’objets précieux. Quelques années plus tard, en 1086, une autre fille de Roger Guiscard viendra séjourner auprès de sa sœur alors que des négociations étaient menées en vue de son mariage avec le roi de France, projet que le futur Raimond IV s’attachera à faire échouer en mariant la fiancée à son voisin, le comte d’Auvergne. Est-ce à cette époque d’intenses contacts avec le pouvoir normand en Italie du sud, où se font jour par ailleurs des influences «byzantines» à Saint-Sernin, que l’olifant arriva à Toulouse ? L’hypothèse paraît des plus séduisantes.
Leur caractère précieux, dû autant à la rareté de l’ivoire qu’à la qualité de leur décor, devait favoriser l’accueil des olifants -un grand nombre de ceux qui sont conservés- dans les trésors des églises. Dans certains cas, ils pouvaient servir de reliquaires, voire devenir, comme c’est le cas ici, des reliques eux-mêmes. On imagine assez bien quelle association put se faire dans les esprits entre ce cor, offert peut-être avant son départ en croisade par le futur inventeur de «la Sainte Lance», et un authentique monument carolingien, l’Evangéliaire de Charlemagne (B.N. Nouv. acq. lat. 1203), qui l’avait devancé de plusieurs siècles dans le prestigieux dépôt. Une autre confusion peut être venue de la relative homophonie entre l’église Saint-Seurin de Bordeaux où Charlemagne aurait, selon la Chanson de Geste, déposé le cor de Roland, et la célèbre basilique Saint-Sernin de Toulouse, dans l’autre capitale de l’Aquitaine carolingienne.