Parement d’autel
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Chronologie
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Statut administratif
Numéro d’inventaire
Le parement d’autel est une œuvre maîtresse des collections du musée Paul-Dupuy, un pan de l’histoire artistique de Toulouse.
Cette pièce rectangulaire longue de 2,67 sur 0,88 m de haut brodée au début du XIVe siècle avait été entièrement surbrodée probablement après la Révolution, travail certes maladroit, mais qui, paradoxalement, fut un atout pour sa conservation, la protégeant des effets néfastes de la lumière et de la poussière. Le XIXe siècle l’a privé de son aspect originel mais l’a également détourné de sa fonction primitive de parement d’autel. Il servit en effet, à parer la chaire de la cathédrale Saint-Etienne de Toulouse, jusqu’à l’installation, en 1841, d’une nouvelle chaire, œuvre du sculpteur toulousain Auguste Virebent. Le parement fut alors donné à la Société Archéologique du midi de la France le 29 juillet 1851, puis au musée Saint-Raymond enfin au musée Paul-Dupuy.
En 1984, l’œuvre fut envoyée à la Fondation Abegg (Suisse) pour y être restaurée. Un minutieux sondage relevé sur de nombreux calques grandeur nature a révélé l’omniprésence de la broderie médiévale. Il fut alors décidé de procéder à sa dérestauration. L’ensemble fut débrodé fil par fil puis, dépoussiéré et lavé par immersion totale. Enfin, après tension, quelques parties fragilisées furent renforcées. En six mois à douze restaurateurs, l’atelier de la Fondation Abbeg sous la direction de Mme Flury-Lemberg, accueillant la restauratrice du musée Paul-Dupuy, Danièle Nadal, a entièrement mis à jour la broderie du XIVe siècle.
La restauration du parement est un jalon exemplaire dans l’histoire de la restauration textile du Xxe siècle, et fut publié à ce titre par la Fondation Abegg.
Sur deux rangs de médaillons polylobés, se déploie un cycle christologique et franciscain, mutilé à droite, d’un quart de sa surface totale. Cette même composition organise également les scènes de l’antependium conservé à Vienne et brodé entre 1320 et 1340 pour l’archevêque de Salzbourg, Fridrich von Leibnitz, seule œuvre à pouvoir être rapprochée.
Mais ici, l’artiste détourne les quadrilobes qui, de cadres contraignants deviennent des éléments d’architecture matérialisant l’espace, comme des marches d’escalier, des plafonds voûtés ou des sièges… Les personnages aux attitudes variées sont modelés par les draperies en plis tuyautés qui s’accumulent à leurs pieds. Leur physionomie échappe au maniérisme gothique pour exceller dans un classicisme jovial bien méridional. L’ensemble est brodé au point fendu de soies polychromes. La broderie est une technique picturale : des fils chinés irisent les couleurs, des déclinaisons de valeur dégradent les surfaces, tandis que les couleurs dominantes, bleu, jaune et rose s’assortissent de leurs ombres respectivement violet, vert, brun rouge. Le dessin légèrement modelé apparaît à l’encre brune sur le fond de toile de lin double, support de la broderie. Le fond, doré comme le sont les peintures des primitifs contemporains, est brodé au point couché en surface pour épargner au maximum la précieuse matière.
Paradoxalement, alors que cette œuvre maîtresse est mondialement connue, elle n’en demeure pas mois anonyme, et son histoire est suggérée par des hypothèses. Le parement aurait été fait par le couvent des Cordeliers de Toulouse. Pierre de Puy, peintre au couvent des Frères Mineurs de Toulouse a travaillé à partir de 1317 à Avignon. Il est pressenti par M. Durliat pour être à l’origine du dessin de cette broderie. Peintres, brodeurs ou sculpteurs sont tous fabricants d’images, Ymagiers, et l’on peut relever des points communs entre leurs œuvres. Telle cette clef de voûte du couvent des Cordeliers, contemporaine du parement, et qui présente aussi saint François montrant les stigmates sur laquelle Mme Pradalier a relevé une particularité novatrice : le blousant que forme la tunique du saint au-dessus de la ceinture, et l’aspect chiffonné des manches. Or ici, à l’extrême gauche, saint François porte le même type de tunique.
La présence du parement à Toulouse, son iconographie franciscaine, le foyer artistique que représentent le couvent des Cordeliers à Toulouse au début du XIVe et les observations stylistiques et techniques, font de cette œuvre un jalon de l’histoire de l’art toulousain. C’est au titre de jalon de l’histoire de la broderie médiévale que le parement a figuré dans l’exposition parisienne consacré à l’art du XIVe siècle, au temps des Rois Maudits.
Christine Aribaud