Sainte Anne , la Vierge et l’enfant Jésus
Chronologie
Technique
Dimensions
Statut administratif
Numéro d’inventaire
Francisco Pacheco est une des figures les plus brillantes du Siècle d’Or sévillan, le dernier tenant du maniérisme andalou. Erudit, directeur de l’Académie Mal Lara, il a été longtemps décrié pour son prétendu dogmatisme et la sécheresse de son style. Désormais, depuis le quatrième centenaire de la naissance de Velázquez dont il fut le maître et le beau-père, sa place lui a été rendue en tant que théoricien de la peinture et initiateur de la grande génération des peintres sévillans du XVIIème siècle (Cano, Herrera, Velázquez). Son Traité de la Peinture (Arte de la Pintura, 1649) s’avère une des sources les plus précieuses concernant la technique et l’iconographie religieuse de son temps. Dépassé par les nouvelles tendances ténébristes et naturalistes, il a su reconnaître toutefois le génie de son illustre gendre « Couronne de ses vieilles années ».
Pacheco fut aussi adepte du dessin qu’il recommandait expressément à ses élèves. La Galerie des Offices à Florence, la Biblioteca Nacional de Madrid, le Musée du Louvre conservent des dessins de sa main, mais la pièce qui a été emportée à la vente publique madrilène se place assez tôt dans son œuvre (elle est datée de 1604), contemporaine des peintures des plafonds de la Casa de Pilatos à Séville, décorée par ses soins.
La Sainte Anne, la Vierge et l’Enfant Jésus doit être mise en relation étroite avec le retable de l’église de Santiago de Séville, commande du Capitaine Barrionuevo en 1602-1604. La graphie de la date est identique à celle de deux autres dessins du maître : La Chute de Phaéton et La Discorde conservés en la Fondation Gómez Moreno de Grenade et à la Biblioteca Nacional de Madrid. De plus la présente pièce fait partie des dessins réalisés à la céruse sur un papier préparé. La mère de la Vierge apparaît, selon l’iconographie médiévale dite Sainte Anne trinitaire, en compagnie de Marie toute jeune et de l’Enfant Jésus. L’ensemble des trois figures, très équilibrées, est évoqué avec beaucoup de grâce et de finesse.
Ce dessin doit être mis en étroite relation avec son pendant, acquis un an plus tard, Sainte Régine d’Alésia. Benito Navarrete Prieto a bien mis en évidence les similitudes entre les deux pièces : même format, même technique spécifique du traitement du papier peint à l’huile avec des rehauts de blanc fait de gesso (préparation à base de plâtre, cf. Pacheco, Arte de la Pintura).
Alors que l’iconographie de Sainte Anne s’avère traditionnelle, celle de Sainte Régine demeure rare à Séville dans les années 1600-1630. La Sainte martyre, originaire d’Alésia en Bourgogne (Alise Sainte Reine), aurait été exécutée en 252 Apr. J.C. sur l’ordre d’Olibrius, préfet des Gaules qui souhaitait l’épouser et qu’elle avait repoussé au nom de sa foi chrétienne. La jeune femme couronnée de lauriers et nimbée tient la palme du martyre ainsi qu’une fleur d’où sort un enfant, iconographie elle aussi médiévale que l’on retrouve sur certaines boiseries de choeur. Le peplum à l’antique que porte la sainte est figuré en mouvement, comme agité par le vent. Du point de vue des sources nous pouvons citer, comme Benito Navarrete, les gravures de Martin de Voos ainsi que Luca Cambioso sans parler, plus tard, des Vierges en procession de Zurbarán pour le Nouveau Monde.
Les deux dessins doivent ainsi être rapprochés du retable de l’église San Onofre à Séville, daté de 1606 où l’on trouve une Sainte Anne et une Sainte Marie-Madeleine très semblables. Nous pouvons donc reprendre l’idée même d’une série préparatoire exécutée en vue de la réalisation d’un retable non localisé. Ainsi avec le Christ servi par les anges et le Jugement Dernier, Franscisco Pacheco est représenté de façon éminente dans les collections castraises.
Jean-Louis AUGÉ
Obras maestras españolas del Museo Goya, 2002