Théière « œuf de dragon »
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Cet objet est l’un des plus anciens témoins des premières importations de théières en Europe avant 1650, comme l’indiquent la monture en argent à l’extrémité du bec et sa découverte en Grande-Bretagne, où elle a pu arriver soit directement, soit en transitant par la Hollande. Réalisée à la fin du XVIe siècle, dépourvue de sceau, elle adopte une forme ovoïde très pure, peut-être inspirée par les œufs fossilisés de dinosaures que l’on découvrait sur le continent asiatique, et que l’on attribuait au roi bienfaisant du bestiaire mythologique.
Tous les caractères des grès de Yixing de la période classique se retrouvent sur cette pièce exécutée dans une très belle argile de couleur uniforme : le montage à l’aide de plaques, le modelage de l’anse et du bec, l’attention portée à leur équilibre par rapport au volume de la panse, un surfaçage parfait au grain subtil, un degré de cuisson légèrement inférieur à celui qui provoque la vitrification complète, enfin la prise en main ferme et la précision du jet.
L’auteur excellent potier à jamais anonyme, a créé un chef- d’œuvre d’esthétique chinoise, humble et pourtant très noble, simple et harmonieux. Comme le faisaient les créateurs de Yixing à l’époque, avant la généralisation des marques sigillaires ou manuscrites, il a « signé » son travail en laissant visibles les traces d’outils et de doigts à la jonction de l’anse et du bec avec le corps de la théière, pratique habituelle dans la culture taoïste qui met en avant la spontanéité et l’élan vital.
La haute qualité de l’objet, ses proportions, son brun chaleureux légèrement luisant, sa finesse et en même temps sa dureté, ont certainement compté, avec l’attrait irrésistible pour tout ce qui venait de Chine, dans le traitement qui lui fut réservé à son arrivée en Europe. Le prix que l’on attachait à cette « porcelaine rouge », indissociable de la nouvelle et élitiste boisson, explique la présence d’un montage en argent dont il ne reste qu’un seul élément, à l’extrémité du bec. Autour de la gorge du bouton, sur le couvercle, deux chaînes étaient autrefois fixées à un anneau d’argent dont les traces d’oxydation attestent de la présence. L’une rejoignait une bague qui enserrait l’anse, l’autre un bouchon engagé dans le bec verseur.