Spirou, dans la tourmente de la Shoah
Du 06 décembre 2023 au 02 mars 2024
De 10h à 18h
jeune public
Infos pratiques
Du mardi au samedi
De 10h à 18h
Fermeture les jours fériés
Tarifs
Gratuit pour tous
Lieu
Musée Départemental de la Résistance et de la Déportation
52 allée des Demoiselles
31400 Toulouse 05 34 33 17 40
Entre Spirou, le jeune groom, et Felix Nussbaum, le peintre allemand de la Nouvelle Objectivité, assassiné à Auschwitz, y a-t-il un rapport?
Emile Bravo, dans sa série Spirou. L’Espoir malgré tout fait se côtoyer ce personnage de fiction, avec cette figure réelle, victime de la Shoah. La rencontre fictive entre Spirou, Felix Nussbaum et sa femme Felka Platek, déportés en 1944 à Auschwitz, entraîne le personnage dans la tourmente de la Shoah.
L’exposition replace également Spirou dans ses origines réelles. Spirou, c’est aussi un hebdomadaire créé en 1938, dont le rédacteur en chef, Georges Evrard, dit Jean Doisy, est membre du Front de l’indépendance. Dans les coulisses du journal, il mène une guerre invisible, offrant une couverture à des actions clandestines.
COMMISSARIAT
Commissariat scientifique : Didier Pasamonik, éditeur, journaliste, commissaire d’expositions
Commissariat général : Caroline François, chargée des expositions du Mémorial
de la Shoah, assistée d’Élise Arnaud
Textes de l’exposition : Romain Blandre, Tal Bruttmann, Caroline François, Thomas Fontaine, Chantal Kesteloot, Joël Kotek, Bernard Krouck, Pascal Ory, Didier Pasamonik, Christelle Pissavy-Yvernault, Laurence Schram, Anne Sibylle Schwetter
Design graphique : EricandMarie, graphistes et Élise Petitpez, muséographe
UN HÉROS DE BANDE DESSINÉE POUR TRANSMETTRE L’HISTOIRE DE LA SHOAH
Dans les premières pages de L’Espoir malgré tout d’Émile Bravo, Spirou, assiste à l’invasion de son pays par les troupes allemandes en mai 1940.
À travers l’histoire d’un héros célèbre, Spirou, Émile Bravo raconte la Seconde Guerre mondiale à un très large public, en ancrant son œuvre dans trois réalités historiques, l’Occupation, la Résistance et la Shoah, il réussit la prouesse de forger un récit dessiné rigoureux, destiné à pallier la disparition irrémédiable des témoins directs de ces tragiques événements.
Cette exposition explore les faits historiques et les sources sur lesquelles s’est appuyé Émile Bravo pour bâtir son propos. Elle permet aussi de découvrir le peintre allemand Felix Nussbaum dont l’œuvre est à lire sous l’angle d’une allégorie de la condition des Juifs en Belgique entre 1940 et 1944.
La rencontre fictive entre Spirou et le peintre Felix Nussbaum et sa femme Felka, entraîne le personnage de bande dessinée dans la tourmente de la Shoah. Il découvre l’internement des ressortissants allemands dans les camps d’internement français où ils rejoignent les Républicains espagnols de la Retirada dont le père d’Emile Bravo. L’exposition replace également Spirou dans ses origines réelles. Elle se traduit dans l’exposition par un dialogue entre planches de bandes dessinées, objets, archives et photographies, et oeuvres de Felix Nussbaum.
L’exposition replace également Spirou dans ses origines réelles. Spirou, c’est aussi un hebdomadaire créé en 1938, dont le rédacteur en chef,
Jean-Georges Evrard, dit Jean Doisy, est engagé dans diverses structures antifascistes depuis plusieurs années. Dès 1940, il intègre le Front de l’indépendance, utilisant le journal et surtout le théâtre de marionnettes le Farfadet (qui inspirera Émile Bravo) comme couverture à ses actions de résistance.Il recrute notamment, pour le Comité de défense des Juifs, Victor Martin, « l’espion d’Auschwitz », et Suzanne Moons, alias « madame Brigitte », qui sauve à elle seule plusieurs centaines d’enfants juifs belges.
Ses fonctions de rédacteur en chef du Journal de Spirou lui permettent d’établir un lien privilégié avec les dizaines de milliers de lecteurs à qui, chaque semaine, il enjoint de tenir bon face à l’adversité. Certains suivront ses conseils et intégreront les rangs de la Résistance.
Le Spirou d’Émile Bravo
Créées en 1922 par l’imprimeur Jean Dupuis, les éditions Dupuis lancent, le 21 avril 1938, le premier grand journal pour la jeunesse en Belgique, un tabloïd de 16 pages. Jean Dupuis demande au dessinateur français Robert Velter, qui signe Rob-Vel, de créer la mascotte du journal. Il est aidé en cela par sa femme Davine, dessinatrice elle aussi, et par le dessinateur Luc Lafnet. Appelé sous les drapeaux en mai 1940 puis blessé, Rob-Vel est contraint de vendre Spirou aux éditions Dupuis. Le héros sera dessiné successivement par Jijé et Franquin, puis par une pléiade de dessinateurs, de Jean-Claude Fournier à Olivier Schwartz, en passant par Émile Bravo.
C’est à ce dernier qu’est consacrée la première partie de l’exposition. À partir d’un entretien filmé inédit de l’auteur, d’objets familiaux lui appartenant, de plusieurs planches originales de Spirou, on en découvre plus sur la personnalité de l’auteur et son appropriation du personnage de Spirou.
La Belgique dans la guerre
En septembre 1939, la Belgique a un strict statut de neutralité, massant des troupes tant face à la France que face à l’Allemagne.
Le 10 mai 1940, les troupes allemandes envahissent le pays et des millions de Belges prennent la fuite, empruntant les routes de l’exode. Le gouvernement quitte Bruxelles le 17 mai. Le pouvoir est confié à un collège de secrétaires généraux, les plus hauts fonctionnaires de l’administration, qui deviendront les interlocuteurs de l’occupant. L’armée belge n’est pas de taille. Après dix-huit jours de combat, le roi capitule, en désaccord avec le gouvernement. C’est le début de l’Occupation. Dès le 20 mai, le général von Falkenhausen est nommé gouverneur de toute la Belgique et, le 1 juin, on lui ajoute le nord de la France (Nord et Pas-de-Calais).
Un commandement militaire se met en place : le MBB – Militärbefehlshaber in Belgien und Nordfrankreich. Avec ses cinq Oberfeldkommandantur (OFK) réparties géographiquement à Bruxelles – la capitale –, Gand, Liège, Mons et Lille, le MBB peut tenir les objectifs de Berlin. Il fait preuve de pragmatisme et de réalisme pour orchestrer avec les services policiers nazis – aidés par les polices belges et les collaborateurs – l’administration civile, la répression de la Résistance et les déportations des Juifs de Belgique et du nord de la France.
Les troupes anglaises et les réfugiés belges sur la route Bruxelles-Louvain. Belgique, 1940. © CegeSoma, Anderlecht
Spirou et Fantasio rencontrent Félix et Felka
Felix est un peintre juif allemand installé en Belgique avec sa femme Felka, également artiste. Spirou est immédiatement touché par ces réfugiés rattrapés par la barbarie nazie qu’ils avaient fuie. L’amitié s’installe entre eux, Spirou est confronté à la réalité d’une répression insidieuse et criminelle bien réelle, qui touche indistinctement hommes, femmes, vieillards, enfants… Il se révolte contre cette situation et, avec Fantasio, il aidera ces artistes clandestins jusqu’à ce qu’ils disparaissent en 1944.
Or, Felix Nussbaum et Felka Platek ont réellement existé. Au fil des pages, on découvre les toiles de Felix Nussbaum et deux aspects de la condition d’artiste : celui qui peint pour exister, pour exprimer ses émotions, sa souffrance, incarné par Felix, et l’artiste qui peint pour survivre, réalisant, comme Felka, des objets décoratifs.
Le destin des « indésirables » dans la guerre
Pendant la drôle de guerre, la Belgique et la France décident d’interner des civils allemands et autrichiens présents sur leur territoire. Ce sont pour les autorités des « ressortissants de puissances ennemies », alors même que la plupart ont fui l’Allemagne nazie, comme le peintre Felix Nussbaum. Ils sont sans doute près de 13.500 à être ainsi arrêtés par les autorités belges, qui demandent au gouvernement français de les « accueillir » dans ses camps d’internement.
Les hommes sont dirigés vers le camp de Saint-Cyprien, alors que les femmes vont au camp de Gurs. Au total, près de 40 000 « indésirables » arrêtés en France et en Belgique sont internés en France à la fin de la IIIe République et lors des offensives éclair de l’armée allemande.
Réfugiés espagnols au camp de Saint-Cyprien. France, Pyrénées-Orientales, 1939. Coll. Mémorial de la Shoah
Bruxelles et Toulouse, théâtres de l’occupation et des persécutions
Dès 1940, Bruxelles est occupée alors que Toulouse, en zone non-occupée mais soumise à la dictature du maréchal Pétain le sera presque deux ans plus tard, le 11 novembre 1942.
Les deux villes sont rapidement confrontées aux difficultés de ravitaillement. Cependant la vie continue. Les théâtres et les cinémas rouvrent leurs portes, les activités sportives et culturelles reprennent. En septembre, les écoliers retrouvent leurs classes. En parallèle, les actions de résistances germent, la résistance civile d’abord, puis la résistance armée.
A Bruxelles comme à Toulouse, dès l’automne 1940, un arsenal de mesures spécifiques est imposé aux personnes identifiées comme juives : enregistrement, interdictions professionnelles, couvre-feu plus rigoureux… Mais c’est l’obligation du port de l’étoile qui rend cette persécution visible aux yeux des Bruxellois, alors qu’à Toulouse, les juifs.ves doivent se présenter en mairie pour être recensés, et fichés.
Toulouse, carte d’identité de Mina Lonker, coll.MDRD
La Galerie des artistes
Le MDRD présente quelques unes des œuvres de Felix Nussbaum et Felka Platek grâce aux prêts de la Felix-Nussbaum-Haus.
Felka Platek, Portrait de Mme Etienne, 1942, coll. Felix-Nussbaum-Haus
La Felix-Nussbaum-Haus du Museumsquartier Osnabrück abrite la plus importante collection du peintre Felix Nussbaum grâce à l’engagement de son cousin Auguste Moses-Nussbaum (1923-2021). Il s’agit des tableaux que Felix Nussbaum avait confiés, en 1942, aux docteurs Grofils et Lefèvre, à Bruxelles, pour qu’ils les gardent en sécurité. Certaines de ces œuvres ont été acquises par la ville d’Osnabrück et ont constitué la base de la collection Nussbaum, qui a été continuellement élargie et complétée. Dans les années qui ont suivi, la Fondation Felix Nussbaum et d’autres fondations, ainsi que des prêteurs privés, ont permis l’agrandissement de la collection, qui compte aujourd’hui plus de 230 œuvres.
Avec 27 tableaux, la Felix-Nussbaum-Haus possède également la plus grande collection d’œuvres de Felka Platek au monde.
La bande-dessinée sous l’occupation
Pourquoi la bande dessinée belge a-t-elle vécu à ce point un âge d’or entre la fin des années 1940 et les années 1970 ?
La chance est une explication, mais il y en a une autre : rien n’aurait été pareil sans la période de l’Occupation. Le cas d’Hergé et de Tintin est bien connu : la guerre a réellement permis au héros belge de devenir un bestseller en librairie, pendant et après la guerre, en dépit des accusations portées à son encontre pour « incivisme ». Il y a le cas moins connu du Journal Bravo ! qui a permis l’éclosion d’un talent comme Edgar P. Jacobs. Il y a aussi le cas des éditions Gordinne (aujourd’hui : Hemma), un bastion de la résistance wallonne. Ceci pour la partie francophone. Il y a enfin le cas particulier du tycoon de la bande dessinée flamande Willy Vandersteen, qui oeuvra pour la propagande nazie sous pseudonyme, et dont le rôle n’a été révélé que récemment.