Maurice (de) Guérin
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Maurice de Guérin, contemporain de Lamartine et de Hugo, est l’initiateur du poème en prose en langue française. Il est un auteur difficilement classable dans une chapelle littéraire, romantique ou autre, bien que son œuvre ouvre des questions d’ordre romantique.
Maurice et Eugénie de Guérin sont tous deux membres d’une longue lignée de gentilshommes campagnards qui occupent le domaine du Cayla de 1534 à 1936. Les générations successives exploitent les terres et procèdent à des aménagements du pavillon de chasse d’origine.
Maurice de Guérin est le cadet de quatre enfants. Né en 1810 au château du Cayla, il quitte sa maison natale à l’âge de 12 ans pour entrer au petit séminaire de l’Esquile à Toulouse (1822). Il part en 1824 au collège Stanislas à Paris où il rencontre Jules Barbey d’Aurevilly. Il y poursuit des études de séminariste ; un cousin de son père, Auguste Raynaud, professeur dans ce collège, a plaidé sa cause et obtenu pour lui une bourse d’études, payée par l’Oeuvre jusqu’en 1827, puis par la ville de Paris et monsieur Augé, supérieur du collège.
Après quelques cours de droit, il revient au Cayla en 1830 au moment de l’insurrection.
En 1831, il participe au journal l’Avenir dirigé par Lamennais et à la Revue Européenne et connaît une passion pour la baronne de Maistre avec laquelle il entretient une correspondance amoureuse.
Il revient au Cayla en 1832 lors de l’épidémie de choléra et commence la rédaction du Cahier vert. Il suit ensuite l’enseignement de Lamennais à La chênaie en Bretagne où il rencontre Hyppolite de La Morvonnais.
De retour à Paris en 1834, il publie des articles dans La France Catholique. Il s’initie à la vie parisienne avec Jules Barbey d’Aurevilly.
En 1835, il écrit Les Pages sans Titre qui sont un premier essai de poésie en prose en guise d’ode posthume pour Marie de La Morvonnais et rédige ses poèmes en prose Le Centaure et La Bacchante.
En 1837, il se livre à l’autodafé de ses œuvres dont il ne subsiste plus comme original que le Cahier Vert. Il se marie avec Caroline de Gervain en 1838 mais sa santé se dégrade et il revient mourir au Cayla en juillet 1839.
Le Centaure sera publié en 1840 par George Sand dans La Revue des Deux Mondes.
La Bacchante, poème en prose, constitue le versant féminin du poème Le Centaure. Dans ce texte, il reprend la longue tradition littéraire depuis Homère, Hésiode et Ovide, relative aux rites du dieu grec Dionysos, connu chez les Romains sous le nom de Bacchus.
Son journal, le Cahier vert, et sa correspondance avec Jules Barbey d’Aurevilly traduisent ses interrogations sur sa destinée d’homme et d’écrivain.
Sa sœur Eugénie (1805-1848) rédigea à l’intention de son frère un journal intime d’une douzaine de cahiers, qui constitue avec sa correspondance un document de premier ordre pour connaître la vie tarnaise au XIXe siècle.
Eugénie adresse sa correspondance abondante à une guirlande d’amies de sa province (notamment Louise de Bayne). Son projet de journal intime destiné à son frère est de maintenir le lien avec lui qu’elle a élevé à la mort de sa mère et dont elle sent la ferveur catholique chanceler. Si elle comprend son désir d’écriture, elle cherchera toujours à contester l’originalité de la création de Maurice de Guérin dont l’inspiration mythologique peut laisser comprendre des penchants au paganisme. Elle refuse toute interprétation d’ordre romantique et s’opposera à Sand, d’Aurevilly, Sainte Beuve, pour la publication des œuvres qui n’aura lieu qu’en 1860.
Maurice et Eugénie de Guérin peuvent être considérés comme des auteurs de second ordre dans l’histoire littéraire française. François Mauriac semble résoudre cette question en 1936 :
Je crois que si on le compare aux grands romantiques de son temps, cela est l’évidence. Mais je ne sens jamais le besoin de relire Chateaubriand et le personnage m’assomme. Tandis que Maurice est près de moi au même titre que Mozart ou Rimbaud.
Le handicap de l’artiste mineur peut donc se révéler un moteur, un espace de liberté pour mieux revenir au texte, développer les territoires d’origine de l’imaginaire du texte, et l’ouvrir à d’autres interprétations en limitant le risque de heurter la mémoire du grand homme ou de son public.
Maurice et Eugénie de Guérin sont aussi les héritiers d’une tradition culturelle dans laquelle ils s’inscrivent. Les archives familiales, conservées au musée, révèlent des informations socio-économiques de qualité. Elles sont une source ethnologique et historique de premier ordre pour connaître la vie d’un domaine sous l’Ancien Régime. Elles sont aussi les témoins du processus d’individualisation par l’écrit qui se développe dès la fin du XVIIe siècle avec l’apparition progressive de l’écriture intime.