Thomas Gleb
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Yehouda Chaim Kalman, dit Thomas Gleb naît le 5 décembre 1912 à Zelow, une petite ville au sud-ouest de Lodz en Pologne, dans une famille juive pratiquante. Au kheder, l’école primaire pour les enfants juifs, il apprend la Torah, qui deviendra une de ses sources d’inspiration dans ses œuvres.
Dès l’âge de dix ans il travaille comme petit vendeur des rues. En 1925, à 13 ans, il devient apprenti tisserand. L’année suivante il intègre l’atelier du peintre Jozef (Josef) Mitler avant d’intégrer l’atelier Start à Lodz en 1929.
Yehouda Chaim Kalman s’installe à Paris en 1932 où il adopte très vite le pseudonyme de Thomas Gleb « Mon surnom est Thomas car je n’ai pas cru, Gleb c’est un nom… ». Il cumule les petits métiers comme décorateur de jouets, retoucheur de photographies, tout en poursuivant sa carrière artistique.
En 1935 a lieu sa première exposition monographique dans son atelier du 20e arrondissement, rue de la Chine où il collabore avec son ami le photographe Wladyslaw Slawny. En 1938, il expose au Salon d’automne après avoir vécu quelques temps à Amsterdam et à Bruxelles. A cette période il poursuit également une activité de décorateur pour le théâtre PIAT.
En 1939, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, il épouse Malka (Maria) Tetelbaum qu’il a rencontré quelques années plus tôt à Paris lors de cours du soir de français.
Lorsque la France déclare la guerre à l’Allemagne Nazie, Thomas Gleb s’engage dans les régiments de marche des volontaires étrangers dont la moitié des troupes seront décimées pendant la bataille de France. Il est démobilisé à Toulouse le 9 juillet 1940 et rentre à Paris.
Lorsque son atelier est saisi par les nazis peut après son retour en 1940, il s’installe au 15 rue des Beaux-Arts dans le 6e arrondissement. Il entre dans le groupe de résistance juive « Solidarité » mené par Félix Guterman sous le pseudonyme de Raymond Thomas où il illustre des tracts et affichettes sous le pseudonyme de Raymond Thomas.
Alors que l’étau se resserre autour des personnes identifiées comme juives, il se réfugie à Grenoble sous sa fausse identité avec sa femme et sa fille Yolanda, née en 1941. Il y poursuit son activité artistique et expose par deux fois sous le nom de Raymond Thomas.;
Arrêté par la Gestapo le 8 juillet 1944, il est transféré à Lyon à la prison Montluc, puis à la prison Saint-Paul. Son atelier est pillé, son contenu saisi par les nazis. Déporté le 11 août en direction de l’Allemagne, il réussit à s’échapper de son wagon à hauteur de Serocourt dans les Vosges. Il reste caché à proximité jusqu’à l’arrivée de l’armée Alliée et de la division Leclerc qui font le siège d’Épinal jusqu’à sa libération le 15 septembre 1944.
Thomas Gleb rentre à Paris avec sa famille, qui s’agrandit peu après d’un petit Jean, né en juillet 1945.
Entre 1945 et 1950, il expose à plusieurs reprises à Lyon (galerie Folklore, 1945), Paris, Tunis et Varsovie. Il obtient le premier prix pour une peinture murale au club de la jeunesse polonaise à Paris en 1947, puis un prix au concours international de Varsovie de 1949 pour son affiche intitulée Ghetto.
C’est en 1950 qu’il réalise la peinture Le procès de Marcel Langer qu’il offre à Claude Urman, vétéran comme lui des FTP-MOI et membre de la 35e brigade Marcel Langer. Claude Urman en fera don en 1986 au Musée de la Résistance et de la Déportation de la Haute-Garonne.
A partir de 1950 il retourne vivre en Pologne avec le statut d’artiste officiel du régime, qui lui permet de voyager dans de nombreux pays les années suivantes. Il se tourne vers un style de peinture réaliste et élargie son art déjà riche de dessin, peinture et tapisserie, à la céramique et au verre. Il développe en peinture le Cycle du Coq jusqu’en 1955 et le Cycle du Cirque jusqu’en 1957.
Sur 200 tableaux répertoriés dans son Cycle du Coq, il n’en reste aujourd’hui plus que trois et quelques dessins. La symbolique de cet animal lui permet de jouer sur de nombreux registres, politique, par exemple le symbole de la Résistance Française du « coq gaulois ». Puis dans le contexte polonais d’après-guerre où la production artistique est alignée comme partout à l’est sur le modèle du Réalisme Socialiste Soviétique il peut s’adonner à ce thème sous couvert d’exaltation de la vie agricole et de la virilité du courageux paysan patriote. Le coq a également une résonnance importante dans le Judaïsme et le Christianisme où il est tour à tour annonciateur de l’arrivée du Messie et de la Résurrection.
Il raconte une petite anecdote à ce sujet : Il se trouve alors dans son atelier à l’Ecole des Beaux-Arts de Varsovie un groupe d’étudiants vient lui rendre visite. Il a un coq vivant avec lui dans l’atelier. Un des étudiants réagit « à quoi sert-il ce coq vivant quand aucune de ses peintures ne ressemble au modèle original ? » Thomas Gleb commente : « j’ai compris qu’il subit un enseignement pour les pauvres ».
De fait, Thomas Gleb commence à s’user aux contacte des limites de l’art officiel à la gloire du régime. C’est dans cette période qu’il entame son Cycle du Cirque complété d’une masse documentaire impressionnante. Les archives de la ville d’Angers conservent un cahier (1G23) contenant des dizaines de dessins de figures de voltiges annotées, des listes de bibliographie et d’œuvres ayant déjà traité ce sujet.
Thomas Gleb et sa famille finissent par fuir la Pologne et son régime communiste en 1957 et s’installent à proximité de Paris, à Millemont. Il y renoue avec les expérimentations artistiques, fréquente Waldemar Georges, Chagall et Kahnweiler, participe à la Biennale de Paris.
En 1960 il reçoit une commande d’État d’une œuvre sur le thème des 12 tribus d’Israël. Il fréquente de plus en plus les ateliers de tissage et rencontre Pierre Daquin avec lequel il entame des réflexions sur la Nouvelle Tapisserie.
Par son travail sur la tapisserie, Gleb découvre la ville d’Angers à laquelle il fera plusieurs dons d’œuvres, tapisseries mais aussi peintures et dessins, avant de s’y installer en 1990 à l’invitation de la municipalité.
Au cours des années 1970, il se consacre principalement à la tapisserie et à l’élaboration de grands décors en collaboration avec des architectes comme Colboc, Jean Willerval, Roger Taillibert avec des projets variés comme le siège de la communauté urbaine de Bordeaux, la chapelle des Carmel de Niort, l’UER de pharmacie et la cité scolaire Jolimont à Toulouse, le couvent Saint-Mathieu de Tréviers dans l’Hérault, etc…
En 1980, Thomas Gleb reçoit le Grand Prix national de tapisserie.