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Fiche collection

Luce Boyals

Luce Boyals (1892-1946) est, avec son mari Georges Gaudion, une des artistes majeures de Rabastens dans la première moitié du XXe siècle.
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Autoportrait

Autoportrait

Luce Boyals-Gaudion
Musée du Pays Rabastinois
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Luce Boyals est née le 14 décembre 1892 à Rabastens sur Tarn, d’une famille implantée de longue date et plusieurs fois liée à l’histoire de la ville. Son grand-père le docteur Jean Berenguier et son père le docteur Achille Boyals avaient constitué au fil des années une exceptionnelle collection d’objets d’art, de meubles, de tableaux et gravures, de céramiques, etc., formant “une sorte de musée provincial” que se plait à détailler en 1911 et 1917 la Revue du Tarn. Ils se passionnent aussi pour la musique et la poésie, ce dont témoigne leur bibliothèque.
C’est dans ce milieu cultivé que grandit Luce, formant son goût et sa culture.
Au poète Touny-Lérys (1) elle confie en 1921 :
“mes plus grandes admirations allaient aux grands maîtres, Rembrandt et Léonard de Vinci dont je pus voir quelques œuvres au Louvre (2). Le Printemps de Botticelli, également la Salomé de Filippo Lippi, les fresques de Giotto me charmaient… Un seul pourtant, peut-être, a toutes mes admirations sans restriction aucune : c’est Goya, ce grand “refléteur” de vie qui, au milieu du dix-huitième siècle, avait déjà le caractère des peintres de nos jours, qui se moquait de tout et n’écoutait que son caprice… Enfin toute ma profonde sympathie va aux peintres qui ont su créer la lumière et la vie après Cézanne, que je vénère pour l’école qu’il a fait naître ; à Albert Besnard dont j’admire l’exubérance de vie lumineuse et réaliste, retenue par la sagesse du dessin… Quant à me dire l’élève de l’un ou de l’autre, ce serait contraire à la vérité. J’ai vécu dans l’ambiance de plusieurs maîtres sans avoir entendu et suivi leurs leçons autrement qu’en une ardeur plus grande au travail et en une recherche plus passionnée de la beauté… Je ne saurais, sincèrement, invoquer qu’un seul nom : c’est celui du peintre Icart, de Toulouse (3), qui m’a appris à dessiner et auquel je garde une profonde reconnaissance des précieux enseignements qu’il m’a transmis…” (4)

Les premières œuvres

Luce Boyals n’a pas vingt ans lorsqu’elle expose en 1911 au Salon des Artistes Français une sobre lithographie : Vieille femme du Languedoc. En 1913, elle présente au Salon un pastel, Mélie, une vieille femme, les épaules couvertes d’un fichu jaune, tricotant un bas, assise sous une treille. Puis en 1914 un autre pastel, L’intéressante lecture, et surtout une importante peinture, Commérage, où deux paysannes rabastinoises sont assises côte à côte, l’une plumant un coq noir aux reflets verts chatoyants, l’autre bavardant sans fin ; la première écoute en riant le commérage de l’autre, Mélie Labouysse. "Mes premières inspiratrices, dit-elle, ont été les bonnes paysannes de mon pays ; j’aimais leur visage doucement calme et ridé."

Son père, le docteur Boyals soigne les personnes âgées de l’Hospice, elles deviennent ses premiers modèles. De nombreuses études, dessinées ou peintes, gardent le souvenir de cette génération qui s’effacera avec la Grande Guerre. Ces portraits en buste, au regard absent, empreints de gravité, sont d’un réalisme émouvant.

Bourdelle, Ingres…

Pendant la Première Guerre mondiale, Luce Boyals se lie d’amitié avec Odette Labouysse, la petite-fille de Mélie l’une des commères, qui deviendra à partir de 1917 son modèle préféré. S’ouvre une période heureuse qui confirme la véritable passion du peintre pour le portrait. Ses parents, ses amis passent dans son atelier, tous lui servent de modèle. Les regards sont vifs, illuminent les visages. Dans certains portraits d’enfants, les yeux deviennent l’essentiel. Dans les nombreux portraits de femmes, blondes ou brunes, au souple et doux coloris, on retient les symphonies de roses, de mauve, de bleus ou de jaune, harmonies de jeunesse.
Parallèlement, Luce Boyals enrichit ses moyens d’expression. L’aquarelle apporte la vivacité, la spontanéité et l’éclat de la couleur dans des portraits de petit format. Dans les années 1920, la sanguine, les crayons noirs ou de couleurs, le pastel sont souvent employés pour de plus grands formats. Cette décennie sera la plus importante dans la vie de l’artiste.

En effet, en 1920 a lieu sa rencontre avec le sculpteur d’origine montalbanaise Antoine Bourdelle. Elle lui rend visite à Paris dans son atelier et assiste à certaines de ses leçons, travaille dans l’atelier de la Grande Chaumière que fréquentent Germaine Richier et Giacometti. Le style de ses dessins en est alors bouleversé, devenant très sculptural, opposant des facettes d’ombre et de lumière. Une amitié est née, elle fera le portrait de Bourdelle puis celui de sa femme Cléopâtre en 1930, revenant à un dessin plus “ingresque” d’une étonnante précision.

Madame Gaudion

L’année précédente, en 1919, Luce était chez les Touny-Lérys, faisant le portrait de la femme du poète. Elle y croise le parrain de leur fils, Georges Gaudion, un chimiste assistant de Paul Sabatier. Mais Gaudion est aussi musicien et compositeur, peintre, illustrateur et poète. Il fonde avec Marc Dhano et Touny-Lérys la revue Poésie qui contient des poèmes, des nouvelles, des articles de critique littéraire et des études sur la peinture et la musique. Après 1930, il collabore à la revue l’Archer. Touny-Lérys témoigne de cette rencontre : "Des points de technique divisaient les deux artistes, entre lesquels surgissaient parfois d’amusantes querelles, mais ils s’estimaient justement et leur sympathie devint un sentiment profond. Georges Gaudion et Lucette Boyals se marièrent à Rabastens au mois de septembre 1920. Madame Gaudion s’installa avec son mari dans le bel appartement du 19 rue du Taur, à Toulouse, où Georges vivait avec son père veuf."
En mai 1920, elle expose à la galerie Manoury, puis à Marseille, au Havre, à Pau et à Toulouse.
Devenue Madame Gaudion, Luce Boyals, qui continue à signer ses œuvres de son nom de jeune fille, entre dans la vie trépidante de son mari. Avec lui elle pratique de nombreux et nouveaux sports : l’automobile, le vélo, la pêche au lancer et surtout le ski.

Intégrée dans la vie artistique toulousaine, le cercle de ses amis s’agrandit et les portraits se multiplient : le député Paul Vaillant-Couturier, Georges Duhamel de l’Académie française, le doyen Paul Sabatier prix Nobel de chimie, le peintre Laure Delvolvé, le docteur Paul Voivenel et tant d’autres.
Dans le même temps, le champ de ses recherches s’élargit. À la belle saison, dans les Pyrénées ou dans la campagne toulousaine, elle peint en compagnie de son mari de nombreux paysages. La touche est plus large, plus épaisse. "Je suis heureuse, dit-elle à Touny-Lérys, de triturer, de pétrir dans la pâte même des couleurs, et cela me suffit… Le couteau est ce que je préfère parce que sa technique s’adapte mieux à mon tempérament et qu’il obéit à ma volonté avec fermeté et hardiesse. J’obtiens de lui des choses impossibles avec les pinceaux ; par exemple, les brillants, bases des tons où s’attache toute la lumière et que les petites raies de soies atténuent et transforment… Mon travail est parfois un peu brutal, mais il rend un premier jet, sincère et absolu…"

Avec la peinture de plein air, Luce Boyals se détache des contraintes de l’atelier, sa palette change et s’éclaircit. Les tons sont plus vifs, parfois violents. Elle retrouve la puissance des Fauves. Comme Bonnard, dont la rétrospective s’ouvre à Paris à la galerie Drouet en 1924, elle se prend de passion pour le jaune : "J’aime tellement l’or et le soleil !… On me reproche d’employer trop de jaune, mais s’il me fallait ne plus employer le jaune, c’est-à-dire la lumière, je préfèrerai ne plus peindre !"

La nature morte, à laquelle elle s’était déjà confrontée dans sa jeunesse avec de nombreuses et sages compositions florales, revient en force. Là encore, l’influence de son époux est déterminante et le souvenir de Cézanne toujours présent, comme dans la soupière bleue, tomate et poivron. Son mari nous a conservé le souvenir du jour où Luce peignait ce tableau, émouvante communion des deux artistes sur le même sujet, assurément un moment d’intense bonheur.

Du portrait au nu

Mais c’est avec le nu féminin que Luce Boyals réalise son parcours artistique le plus complet. Dans les années 1917-1920, elle fait poser nue son amie et modèle Odette. Le nu est alors pudique, académique, il nous rappelle les cours de dessin à l’usage exclusif des jeunes filles de Victor Icart. Puis dans les années Vingt, les nus se font de plus en plus sensuels et réalistes. Assis ou allongé, bras relevés, le corps s’offre sans pudeur au peintre comme au spectateur. Les ombres se teintent de rouge ou de vert vif.
Le dessin de nu montre une évolution encore plus sensible.
"Je cherche !… Est-ce qu’un artiste ne cherche pas toute sa vie ?… Il faut qu’il ait foi en lui… j’ai foi, malgré des jours et des jours de désespérance infinie, et je ne serai pas vaincue… on évolue, on cherche le mieux ; c’est ce qui fait, en somme, la vie belle, toujours nouvelle et jamais épuisée", écrit-elle à Touny-Lérys.

Antoine Bourdelle, en 1920, lui fait voir le corps autrement, à la manière d’un sculpteur, par plans d’ombres et de lumières. Mais en même temps Luce a besoin aussi de la leçon d’Ingres, d’un dessin à la ligne parfaite et au modelé impeccable. Elle se souvient des somptueux nus à la sanguine de Boucher, de ceux du sculpteur Maillol. Dans de grands carnets de croquis, elle accumule les études rapides, le coup de crayon est synthétique, son audace évoque Matisse ou Picasso. Peu à peu nous sentons que la passion du nu l’emporte sur celle du portrait.

La vie de Georges et Luce Gaudion est bien pleine : l’enseignement de la chimie, la musique et le jazz, la poésie, la peinture et l’illustration pour lui, la peinture et le dessin pour elle. Mais aussi le sport et la montagne, qui furent pour eux fatals. Le 17 février 1942, Georges Gaudion descend de Superbagnères vers Luchon par un petit sentier qui longe la montagne, il glisse dans une brèche couverte de glace et se fracasse le crâne sur les rochers au fond du précipice. Quatre ans plus tard, Luce fait une chute de ski à Font-Romeu et se casse la jambe, elle meurt pendant l’opération tentée pour réduire la fracture le 1er janvier 1946. Ils n’avaient pas eu d’enfant.

Luce Boyals nous apparaît comme une femme très moderne en son temps. Elle a 26 ans en 1918 et va profiter pleinement des « Années folles ». Elle est libre, dynamique, sportive, avant tout passionnée d’art et de peinture. Elle s’essaie à tous les sujets : portrait, nu, nature morte, paysage, à toutes les techniques : crayon, fusain, sanguine, lithographie, aquarelle, pastel, huile à la brosse ou au couteau, à tous les supports : papier, carton, bois, toile… Son œuvre n’est pas une œuvre féminine, au sens où, en art, l’on entend habituellement ce mot. C’est une œuvre mâle, à la pâte solide, au dessin ferme, aux couleurs quelques fois heurtées, mais toujours pures…de la vigueur, de l’énergie, de la force, de la violence même.

Si Toulouse et ses musées ne s’intéressent pas hélas à ses artistes de la première moitié du XXe siècle, c’est que ceux-ci sont peu ou pas étudiés. Heureusement deux maîtrises d’Histoire de l’Art s’achèvent à l’Université de Toulouse-Le Mirail : l’une par Elodie Sourrouil sur Luce Boyals, l’autre par Amandine de Pérignon sur Georges Gaudion. Grâce à elles nous en savons plus sur ces deux artistes qui ont illustré brillamment la vie culturelle et artistique de Toulouse pendant prés de 30 ans.

Notes

1. Touny-Lérys est le pseudonyme du magistrat et poète Marcel Marchandeau, Gaillac 1881 – 1976. Avec son père, avocat et poète comme lui qui signait Marc Dhano, et Georges Gaudion, il publie dans la revue Poésie Apollinaire et Francis Jammes.
2. Immobilisée, à la suite d’un accident, Luce Boyals peindra des copies de Breughel, Rubens et Vermeer.
3. Victor Icart est né à Toulouse le 2 novembre 1864. Ancien lauréat de l’École des Beaux-Arts de Toulouse (prix Suau en 1883), il est l’élève de Cabanel à l’École nationale des Beaux-Arts de Paris en 1884. Il expose au Salon en 1887, puis est médaillé à l’Exposition Universelle de 1889 pour l’enseignement du dessin. Il entre à l’École des Beaux Arts de Toulouse comme professeur adjoint de dessin d’après la Ronde-bosse en 1896 puis comme titulaire en 1913. Il assure aussi les cours municipaux de dessin à l’usage exclusif des jeunes filles (fondés en 1885), cours qui deviennent mixtes en 1911. Il prend sa retraite en 1929.
4. Touny-Lérys, Lucette Boyals-Bérenguier, Toulouse, bibliothèque de “ Poésie ”, 1921 
Touny-Lérys, Deux Artistes languedociens : Georges Gaudion et Lucette Boyals, la beauté de leur œuvre et leur destin tragique, Revue du Languedoc, Albi, avril 1948.

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