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Daniel Estrade, visions pyrénéennes

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Du 04 août au 24 octobre 2020

Bagnères-de-Bigorre | 65
Lieu

Musée des Beaux-Arts Salies
7 boulevard Rolland Castells
65200 Bagnères-de-Bigorre 06 33 79 60 45

DANIEL ESTRADE, Visions pyrénéennes

« Je connais cet artiste depuis plus de 12 ans et j’ai pu assister à la transformation de son œuvre, de son regard : en l’espace de 12 mois, la vision avait pris corps. La force de production de l’aquarelliste s’est alors très vite décuplée et la montagne envolée dans un élan tellurique. Il est bien rare d’assister à la montée en puissance d’une expression ; j’ai eu cette chance, et témoigner de cette histoire fut pour moi imparable.
Daniel Estrade est né à Luchon. La montagne, il la porte en lui depuis l’enfance. Pourtant, il ne la peignait pas ou presque… Il préférait se pencher pour ramasser et observer le caillou, le bout de branche ou d’écorce abandonné par le torrent. D’autres objets, nés de l’homme ou de l’animal, pour la plupart venus d’Océanie, le fascinent. Sculptés, gravés, peints, tissés, souvent touchés par les doigts du chaman : figure d’ancêtre, talisman, pectoral, peigne, mortier, écaille de poisson, plume de casoar… Daniel les dispose sur une feuille blanche. La pointe ou le pinceau d’aquarelle à la main, il grave l’acier ou peint le parchemin. Il contemple leur matière profonde. Il la creuse. Récemment, il a suffi qu’il relève la tête vers le massif montagneux pour que la matière des granits et des schistes l’appelle.
On devine que cette matière (lorsqu’il prononce ce mot, on pressent comme un tremblement) n’est ni épaisse ni opaque et qu’il perçoit l’espace entre les atomes. Discret autant que tenace, Daniel Estrade affirme sa pensée : «  Que la lumière ne soit pas bloquée sur le motif, mais qu’elle diffuse, irradie du fin fond de la matière, qu’elle suinte l’immanence divine. »
C’est dit. La matière est un tabernacle, comme la montagne peut en être le voile. Paradoxalement, cette dernière est souvent réduite dans l’art à une fonction de décor, toile de fond ou surface sans aspérité sur laquelle l’œil glisse sans y croire. Image trop nourrie de brumes romantiques et de sommets illuminés. Trop haute, trop belle. Impossible défi, motif dangereux pour l’artiste. Quel autre destin culturel peut-il lui être alors réservé ?
UNE REALITE REVELEE
La première fois que je vis une aquarelle de Daniel Estrade représentant la vallée du Lys, ce fut comme une évidence : jamais auparavant la montagne n’avait été peinte de cette manière.
De ses aquarelles, Daniel Estrade confie pudiquement « Je ne les veux ni impressionnistes, ni naturalistes, ni fantastiques, ni surréalistes, mais sur-naturelles ». Il faut avoir vu l’artiste absorbé, guetteur tendu vers les hauteurs comme un animal, la tête hors de sa bauge. Ce qui le passionne, « c’est ce qui est fixe », affirme-t-il. Pas de chance. A l’opposé de son travail sur les cailloux, là-haut, tout bouge : l’écharpe imprévue du nuage qui s’insinue, la course du soleil qui découpe ou aplatit le contraste, la chaleur furtive de son dernier éclat sur les crêtes. La main de l’aquarelliste devient frénétique sur le châssis tendu, et tant pis pour les sauterelles, la posture inconfortable ou même le vent qui se lève…
Par son effort, Daniel crédite le travail sur le motif d’une profondeur que seule son exigence peut soutenir, car là où nombreux sont ceux qui cesseraient d’observer, lui continue parce qu’il regarde… et voit toujours davantage. « La roche se liquéfie, et la pierre nait de l’eau. »
Après un si grand éveil, interrompu par l’envahissement de l’ombre dans la vallée, ce qu’il n’aperçoit pas, c’est le résultat. Bon ou mauvais, ce sera la surprise du retour à l’atelier. Que s’est-il passé pendant le voyage ? « L’aquarelle a bougé, dit-il, de nouvelles petites fusions sont apparues… » En effet, gorgé de l’humidité de l’herbe sur laquelle Daniel Estrade travaille, le papier termine, solitaire, son cycle de l’eau… et génère d’imprévisibles et infimes variations.

UNE OPINIÂTRETÉ SANS FAILLE
Mais la séance est loin d’être achevée. Après l’excitation du jour, suit la veillée sous la lampe, rythmée par un fond de radio. Le temps de travail va alors doubler. Encore une fois, là où légitimement nous baisserions les bras après l’effort de la journée, Daniel continue encore. Sur une part essentielle et intime…indicible. Mais que fais-tu, Daniel, pendant toutes ces heures ? « J’enlève ce qui est en trop. » Et l’on devine qu’il ne s’agit pas simplement de retouches. Bien sûr, un bord de flaque sera estompé, une valeur atténuée, un nuage adouci. Mais la quête sera celle de la peinture comme « état mental », celle de «la vision ultime», dont la présence se gardait secrète pendant l’observation du motif, mais qui inspirait déjà le chemin du regard.
Combien de fois encore ajustera-t-il cette alliance entre la vision et le réel ? Combien de fois devra-t-il à nouveau confronter son aquarelle avec le site après sa méditation de la nuit?
Cet alchimiste connaît le prix de l’accomplissement… »
Jean-Louis Morelle. Pratique des Arts. 2008

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Musée des Beaux-Arts Salies

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