Ulpiano Checa
Marche à l’Armée
Ulpiano ChecaEn côte ! La carrière
Ulpiano ChecaEtude d’ hirondelles
Ulpiano ChecaAffiche publicitaire des chemins de fer
Ulpiano ChecaAffiche publicitaire
Ulpiano ChecaEtude du portrait de Philadelphe de Gerde
Ulpiano ChecaUN BAGNERAIS D’ADOPTION
Le peintre Ulpiano CHECA
(1860-1916)
Communication du Docteur Charles LACOSTE,
Bulletin Société Ramond, Années 1953-1954-1955, p55à57.
Ulpiano Checa, peintre espagnol de la fin du XIXè siècle a séjourné à Ba¬gnères plusieurs mois par an de 1890 à 1916. La Villa Mathilde où il a habité, l’atelier où il a conçu, réalisé plusieurs tableaux dont s’enorgueillissent (le grands musées européens existent toujours au n°6 de l’avenue de la Fontaine Ferrugineuse et sont restés la propriété de ses enfants.
Il nous a paru équitable d’évoquer devant la Société Ramond le souvenir d’un éminent artiste, bagnérais d’adoption, qui aima notre cité et sut y acquérir de profondes sympathies.
Ulpiano Checa est né à Colmenar de Oreja, province de Madrid, le 3 avril 1860. Elève à l’Ecole des beaux arts de Madrid de F. de Madrazo et de P. Gouzalvo, il paraît avoir été particulièrement influencé par ce dernier maître qui lui enseigna la perspective. En 1884, à 24 ans, il obtint le Grand prix de Rome espagnol de peinture et son goût de l’architecture et des paysages de l’antiquité se développa harmonieusement pendant son séjour dans la ville éternelle.
Mais sa nature reste insatisfaite de l’immobilisme des ruines, si grandioses soient-elles, et Checa, qui est déjà et demeurera un peintre de l’action et du mouvement, n’y voit que le décor qu’il animera de scènes et de personnages, fruits de son imagination.
De Rome, il envoie une Nymphe Egerie, un Numa Pompilius très remarqués.
L’invasion des barbares, exposée à Madrid en 1887 et à Vienne en 1888, attire l’attention de la critique sur le jeune peintre. Ce tableau, longtemps exposé au Musée des arts modernes de Madrid, a été détruit par un incendie au cours de la guerre civile. Des pourparlers sont en cours pour assurer son remplacement par Les Derniers jours de Pompéi.
A Paris, le salon des artistes français accueille avec faveur son Enlèvement de Proserpine.
En 1889, Checa se fixe à Paris et peint une vue de la Place de la République.
L’année suivante, il épouse Mademoiselle Mathilde Chayé dont les parents sont propriétaires de la villa de Bagnères où le ménage, fixé à Paris, viendra chaque année passer quelques mois.
Monsieur Checa aimait beaucoup la vie de famille, trouvant auprès de Madame Checa une compagne délicate qui le comprenait parfaitement et détournait de l’artiste tous les soucis matériels susceptibles de le distraire de ses travaux.
Quatre enfants vinrent. L’un mourut en bas âge. Un fils, Luis, qui décéda à l’âge de 40 ans, avait hérité de son père un goût très sûr pour la peinture et a beaucoup vécu à Bagnères.
Un autre fils, Félipe, qui a passé à Bagnères une grande partie de ses vacances d’étudiant, réside actuellement à Menton.
Leur fille, Carmen, a épousé en 1920 Monsieur Degusseau, ingénieur E. C. P. Très attirée par Bagnères, elle habite la maison familiale avec son mari. Leurs trois filles se retrouvent toujours avec joie dans la ville où elles ont été en partie élevées.
Monsieur Checa, au temps où il devint notre compatriote fut très vite sympathique. De taille moyenne, bien prise, et de figure ouverte avec un regard très vif et pénétrant, très brun avec un teint clair, des mouvements vifs, sa séduction réelle s’exerçait surtout par une conversation spirituelle et agréable, aux réparties enjouées et drôles. Il fut vite entouré d’amitiés solides et durables de personnalités cultivées, en ces temps où l’urbanité et la vie intellectuelle de Bagnères pouvaient justifier jusqu’à un certain point le renom trop flatteur d’Athè¬nes des Pyrénées que Monseigneur Schoepffer décernait à notre cité.
Dans ce cercle d’amis, on trouve les membres de la famille Achard où il était fréquemment reçu, le sculpteur Gardy, Monsieur G. Latécoère, les docteurs Déjeanne, Gandy, Collongues, Messieurs Arnaud Lacoste, Dominique Berrut Paul Bénézech. Ces amis qui s’efforçaient de lui rendre son séjour aussi agréable qu’ils le pouvaient, se plaisaient à venir le voir peindre dans son atelier, situé au nord de la villa et où il composa quelques-unes de ses toiles les plus célèbres comme les Derniers Peaux Rouges (1893) où des chevaux lancés dans un galop tragique semblent émerger de la toile, la Naumachie (1894) où s’affron¬tent dans un combat à mort les gladiateurs nautiques du Cirque.
La célébrité de Checa est déjà consacrée par l’envoi en 1890 au Salon des artistes français de la Course de chars à Rome, son chef-d’œuvre qui a un retentissement universel, a été l’objet d’innombrables reproductions picturales ou iconographiques et est devenu un des ornements de National Gallery à Londres.
Dans ce tableau, éclataient les riches ressources du peintre parvenu, dès l’âge de 30 ans à sa maturité tant dans la perspective que dans le mouvement, le coloris, le souci scrupuleux du détail.
L’érudition de Checa, qui rappelle celle de Gérôme, se complétait par l’étude constante des ouvrages et documents susceptibles de préciser ses connaissances sur le costume, les armes, le harnachement. On retrouve ce soin méticuleux du détail dans la plupart de ses œuvres : Invasion d’Attila (1892), Le Ravin de Waterloo (1895) — tableau appartenant à la mairie de son pays natal, Entrée des chars au Colisée (1896), La Foire de Séville (1898), Don Quichotte combattant les moutons (1899), Mazeppa (1900).
Partout il donne libre cours à une puissante imagination évocatrice tempérât par la recherche de la vérité historique. Il s’apparente ainsi aux classiques en y joignant un sens du mouvement et de la couleur qui en atténue la sécheresse.
Observateur précis des formes en mouvement, il a été, amené à devenir un des animaliers les plus complets de son temps. Comme Meissonier, il fut attiré par la peinture du cheval, par « cette gamme de couleurs et de lumières, cet œil calme ou excité, les frissons de cette robe et les ondes qui la parcourent, la variété de ses lignes et la beauté infinie de leurs combinaisons…»
Sans doute, sa passion du cheval, bien qu’il ne fut pas cavalier, a-t-elle pu se satisfaire pendant ses séjours dans la vallée, de l’Adour où les amateurs étaient alors nombreux et où l’élevage de l’anglo-arabe était à son apogée.
Si dans sa première manière, Les trois vieillards, il se ressent encore de l’influence des classiques espagnols de l’âge précédent, amoureux des gris des bruns tristes et ternes que relève le dessin, l’impressionnisme dont le mouvement est né en même temps que lui, ne tarde pas à marquer le talent de Checa, comme il a inspiré d’autres peintres d’outre Pyrénées, Socolla y Bastido, Santiago Rossinol, qui recherchent les effets lumineux chers à l’école de Manet ou de Claude Monnet, l’apposition, même excessive ou brutale dans les contrastes des jaunes et des violets, des oranges et des bleus que l’on retrouve surtout dans ses œuvres d’inspiration espagnole.
En résumé, on peut dire que Checa a traité des sujets extrêmement divers avec un vif succès, scènes de la vie courante, portraits nombreux, fleurs, scènes historiques. Partout, on retrouve un sens de la vie, un coloris puissant, des tons chauds mais toujours justes, alliés à une science précise de la composition, à des qualités de dessinateur qui font de Checa un grand peintre. A juste titre, il a acquis une haute réputation par son excellence dans la peinture des chevaux en mouvement, à toutes les allures jusqu’au galop de charge – Waterloo – Course de Chars – Pompéï. Sa production fut considérable ; ses tableaux sont aujourd’hui disséminés dans le monde entier, en Espagne, en France, en Angleterre, en Amérique du Sud (Portrait du Général Mitre en Argentine). Checa, depuis l’âge de 30 ans, reste en contact avec l’école française et ne cesse d’exposer, toujours avec succès aux salons officiels. Il y envoie Chevaux à l’abreuvoir, en 1908, Un jour de marché en Espagne, 1904, La Halle, en 1907, Le Balcon, en 1909. Le Musée Salies de Bagnères n’a pu conserver de lui qu’une « Feria » et nous regrettons que de cette production grandiose et généreuse, il ne reste que de très rares œuvres d’inspiration pyrénéenne en dehors de la Diligence des Pyrénées – Uri Char à bœufs de la Vallée de Campan, un triptyque offert à son ami Dominique Berrut évoquant la chasse aux palombes.
Dans son atelier figure encore une frise, pochade pleine de verve représentant une procession à Bagnères et où les anciens reconnaissent quelques personnalités amies du peintre. Checa qui, nous l’avons dit, ne pouvait certes pas encourir le reproche qui, des jaloux adressaient à Delacroix de ne pas savoir dessiner, a laissé des illustrations, des lithographies remarquables, en particulier de belles compositions sur la vie de Napoléon 1er. On retrouve aussi son sens aigu du mouvement dans quelques sculptures de sa main, telles ‘que Peau Rouge au galop, Char Romain, Courrier du Czar, Don Quichotte qui ont été abondamment reproduites. Parmi ses dernières œuvres, nous ne rappellerons que La femme Kabyle (1910), Entre deux oasis en 1911, Crépuscule en 1912, Halte à la fontaine en 1914. Médaillé aux expositions de Paris, Vienne, Madrid, Chicago, grande médaille d’or à l’Exposition de 1900, Checa était Chevalier de la Légion d’Honneur et Chevalier de l’Ordre de Charles II d’Espagne. Sa robuste santé qui semblait garante d’une longévité active s’altéra brusquement vers 1916 et il mourut à Dax en 1916, à l’âge de 56 ans. En des temps moins cruels, il aurait certainement obtenu de la critique l’hommage que méritait un grand talent qui apparente Checa aux peintres les plus éminents de la fin du XIXè siècle.
Pour rendre hommage à Ulpiano Checa, un catalogue commenté de l’exposition temporaire, réalisé en 2012, est en vente au Musée Salies.