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Les Caprices de Francisco de Goya

Ce recueil de 80 planches édité pour la première fois en 1799 par l’artiste lui-même demeure l’un des ensembles gravés les plus célèbres de la fin du XVIIIe siècle. Son succès lui vient à la fois de la critique philosophique des mœurs de la société espagnole de l’époque (scènes de galanterie, d’inquisition) mais aussi des images fantasmagoriques (scènes de sorcellerie) dont Goya se sert pour traduire ses préoccupations, ses phobies et ses expériences.
Série Les Caprices : Jolis conseils

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Francisco de Goya y Lucientes
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Série Les Caprices : Francisco Goya y Lucientes, Peintre

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Série Les Caprices : Les voilà bien assises

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Francisco de Goya y Lucientes
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Afin de mieux comprendre le sens des Caprices, il est utile de les placer dans le contexte social et politique de l’époque.
Au XVIIIe siècle, meurtrie dans sa chair par une guerre de succession et mutilée dans ses ambitions, l’Espagne de Charles-Quint et le Siècle d’Or ne sont plus qu’un lointain souvenir. Après un long déclin au XVIIe siècle, des régions entières sont à l’abandon, certains nobles sont quasiment aussi pauvres que le peuple, les mendiants abondent dans les rues, et les emplois sont rares. Le départ des juifs a compromis le commerce et avec l’expulsion des morisques en 1611, les corps de métiers les plus prospères ont été désorganisés : les transporteurs, les maçons, les éleveurs, les constructeurs de réseaux d’irrigation, les maraîchers étaient morisques…
En proie à une inflation galopante, aux épidémies, à la corruption de l’administration, à l’incurie et à la rapacité de ses dirigeants et à l’Inquisition qui fait régner la crainte, l’Espagne vit l’une des périodes les plus sombres de son histoire.
Depuis que Charles III est sur le trône (1759), son rôle principal consiste à éviter les guerres, conserver l’unité de l’Espagne à l’intérieur de ses frontières géographiques et spirituelles et contrôler une population composée en majeure partie de paysans. Toutefois son règne éclairé amorce un réel redressement du pays sur le plan économique et politique.

Alors que Gaspar Melchior Jovellanos est nommé Ministre de la Justice, Goya se sent protégé et entame en 1797 la réalisation des Caprices.
Exécuté entre 1797 et 1799, ce recueil d’une extraordinaire richesse d’évocation et d’une grande portée philosophique, présente un réquisitoire en règle contre les tares humaines, la superstition, la bêtise, la corruption, la prostitution, les fausses manières, les mensonges des hommes et l’aveuglement du pouvoir ou de la position que confère la fortune.
Imprégné par l’art de Rembrandt dont il connaît les gravures grâce à son ami Juan Agustín Ceán Bermúdez, Goya parvient, tout comme le maître flamand, à traduire dans cette œuvre le drame, l’émotion et l’indignation humaine.
Avec une adresse et un brio sans égal, dans des compositions souvent axées, selon des lignes courbes ou diagonales, Goya sait traduire toutes les nuances, du gris jusqu’au noir profond, passant de l’ombre à la lumière avec un grand sens de l’équilibre. Afin d’accompagner son propos, il sait ordonner l’ombre et la lumière et réaliser ainsi un ensemble qui n’a pas manqué d’être apprécié pour ses qualités techniques autant que satiriques, confirmant qu’il est désormais passé maître dans l’art de la gravure.

La série Les Caprices se présente sous la forme d’un recueil relié contenant quatre-vingt gravures.

> Le 17 janvier 1799, Goya signe un reçu pour la vente de quatre exemplaires des Caprices destinés au duc et à la duchesse d’Osuna, des aristocrates mécènes du peintre qui comptent alors parmi les esprits les plus éclairés d’Espagne.

> Le 6 février de la même année, le Diario de Madrid annonce la parution d’une "Collection d’estampes de sujets capricieux, inventées et gravées à l’eau-forte par Don Francisco de Goya".
L’annonce indique en outre que ce recueil est mis en vente, curieusement, dans un magasin de parfums et liqueurs, au n° 1 de la Calle del Desengaño (Rue de la désillusion!) pour un prix par collection de 80 estampes de 320 réales de Vellon.
Dans un texte complémentaire, l’auteur justifie son travail en affirmant que la peinture, tout comme la poésie, peut, elle aussi, être un excellent moyen pour censurer « les erreurs et les vices humains ».

> Treize jours plus tard, la Gazeta de Madrid publie une deuxième annonce plus succinte.
Dans la boutique au n° 1 de la Calle del Desengaño – Rue de la Désillusion, trois cents exemplaires sont proposés à la vente. Goya réside à cette adresse, mais habite à l’étage, au-dessus de la boutique en question.
Tout laisse donc à penser que Goya, qui édite les gravures lui-même et de manière discrète très probablement dans une mansarde de l’Ambassade de France, souhaite exercer, par prudence en cas de succès, un contrôle total de la vente de ses gravures en n’utilisant pas les circuits de distribution habituels.
Dès leur parution, Les Caprices connaissent un grand succès. Vingt-sept exemplaires trouvent immédiatement acquéreur, mais provoquent rapidement un scandale.

> Treize jours plus tard, la Gazeta de Madrid se fait donc l’écho du scandale et l’on comprend alors plus aisément pourquoi Goya avait abandonné sa première idée d’une diffusion traditionnelle sous forme de souscription, afin de ne pas compromettre ceux qui se seraient portés ouvertement acquéreurs du recueil.

Tous les esprits critiques de l’époque, comme Gregorio González Azaola du journal El Seminario Patriotico ont rapidement deviné que sous une apparente extravagance, ce recueil cache en fait une subtile mais acerbe critique morale de la société espagnole.

En France, la Révolution s’achève et en Espagne, l’Inquisition qui constitue un très efficace instrument de répression au service du pouvoir s’intéresse de très près à ce recueil. Goya se sent brusquement menacé et retire Les Caprices de la vente.
Afin de se mettre définitivement à l’abri, Goya par l’intermédiaire de Manuel Godoy, le favori des souverains espagnols, et en échange d’une pension pour son fils, négociera en 1803 la cession à Charles IV des quatre-vingt plaques de cuivres originales et des 240 exemplaires restants des recueils, qui rejoindront plus tard la Calcografia Nacional.

© Jean-Louis Augé, conservateur en chef du musée Goya, 2006

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