Monsieur INGRES – Grande tenue, culotte courte (caricature d’Ingres)

Aucune œuvre d’Horace Vernet, l’un des rivaux d’Ingres à qui ce dernier succéda à la direction de la Villa Médicis, n’est encore conservée à Montauban et pour cause ! Cette caricature dit bien le mépris amusé dans lequel son auteur tient notre peintre à qui il fait arborer fièrement sa tenue officielle d’académicien, hélas trop grande pour lui : le pantalon lui remonte jusque sous le menton, son épée gigantesque traîne par terre et sa médaille de la Légion d’honneur en guise de nombril achève de ridiculiser le peintre montalbanais. Le Grand Officier, à la médaille remise par Charles X en 1825 et qui en gravit tous les échelons au cours de sa longue vie, n’impressionne pas l’ancien soldat d’Empire, actif défenseur de Paris en 1814  et décoré lui aussi de la Légion d’honneur mais plus tôt et par l’Empereur lui-même, pour fait d’armes.
Horace Vernet est de plus, le descendant d’une longue lignée de peintres. Petit-fils de Joseph Vernet (1714 – 1789), il s’est formé très tôt dans l’atelier de son père Carle (1758 – 1836). Né avec la Révolution française, et grandi sous l’Empire dont il dépeint les exploits, il est proscrit des Salons jusqu’en 1827 par la Restauration en raison de ce passé. Réhabilité par son immense succès, concrétisé au Salon de 1827, il accepte l’année suivante le poste de Directeur de l’Académie de France à Rome. Il préfère alors les sujets pittoresques mais renoue avec la peinture de batailles grâce aux nombreuses commandes de Louis Philippe pour les galeries historiques de Versailles. Bonapartiste de la première heure, il est également choyé par le Second Empire et sa participation à l’Exposition Universelle de 1855 est un véritable triomphe. Une telle célébrité aide à comprendre comment Conan Doyle l’introduisit dans la littérature en en faisant, quelques années plus tard, le grand–oncle du fameux détective, Sherlock Holmes.

Cette caricature d’Ingres, offerte par la Société des Amis du musée Ingres, est inédite et vient compléter la longue liste des croquis se moquant du Montalbanais ou prenant à partie ses œuvres pour les détourner. Datée de 1853, elle est légèrement postérieure à celle, anonyme, parue dans « Le Journal pour rire » le 28 juillet 1949, où l’on voit Ingres, surnommé « Le Thiers de la ligne » affronter sur son destrier, armé d’une plume, Delacroix « Le Proudhon de la couleur ».
Les années 1850, en effet, seront celles de la mise en scène de la querelle des deux artistes, chacun au sommet de leur art. La caricature a joué un rôle très important à cet égard, surtout pour les tenants du romantisme qui y vont vu le moyen efficace de faire descendre de son piédestal cette grande figure intimidante de la peinture que représentait Ingres.
La caricature d’Horace Vernet s’inscrit dans ce mouvement. Elle précède de deux ans la participation rivale des deux artistes à l’Exposition Universelle de 1855  et vient constituer dans les collections de Montauban, l’une des premières pièces critiques du peintre du Vœu de Louis XIII, possible point de départ d’un ensemble appelé très vite à s’enrichir.